Des faits et des souvenirs recueillis à Chenogne …
… par André BURNOTTE et mis en forme par Roger MARQUET
André Burnotte est un habitant de Dolembreux. A l’époque de la Bataille des Ardennes, il avait 15 ans et habitait Chenogne, un petit village à 6 kilomètres à vol d’oiseau au sud-ouest de Bastogne. Chenogne faisait partie de la commune de Sibret, dont le bourgmestre de l’époque, Alexis Burnotte, n’était autre que le père de l’auteur. Chenogne est souvent considéré comme le village le plus détruit de Belgique puisqu’une seule de ses maisons est restée intacte après la bataille. Chenogne fait maintenant partie de l’entité de Vaux-sur-Sûre. Il y de cela déjà quelques années, André Burnotte avait écrit un texte relatant les événements de 1944-45, vus depuis Chenogne. Il a bien voulu autoriser CRIBA INFO à le publier. Que Monsieur Burnotte trouve ici nos sincères remerciements !
La Rédaction
Le 12 décembre 1944, au bunker de Ziegenberg, près de Francfort, le Führer, voûté, malade, le visage bouffi, convoque ses principaux généraux.
Après avoir rappelé ce que lui, Hitler, avait fait pour « la Grande Allemagne », il expose la situation militaire des fronts de l’Est, de l’Ouest et du Sud.
Et il a un projet … un projet politico-historique, dit-il, dont la réalisation sera décisive pour l’IIIème Reich :
« Le général Hasso von Manteuffel prendra Anvers, le général S.S. Sepp Dietrich, Liège.
« Le 21ème groupe d’armée de Montgomery sera balayé. Trois mille appareils de la Luftwaffe nettoieront le ciel de tout avion allié et protègeront la progression de la Wehrmacht. Le choc psychologique provoqué sera tel que les Etats-Unis se retireront du continent… »
Le Feld-Maréchal von Rundstedt reçoit le commandement-en-chef de l’opération.
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Le samedi 16 décembre à 5 h. du matin, Von Rundstedt lance sa contre-offensive: 250.000 hommes, 1.200 tanks appuyés par 2.000 avions modernes sur un front de 175 km, allant de Trêves à Montjoie.
Pour autant qu’il soit possible de reconstituer un, encore que très décousu, des événements qui s’écoulèrent du 15 décembre au 15 janvier, voici les grandes lignes de cette bataille dont on peut prendre connaissance à la lecture d’oeuvres, rapports, rapports, récits dont les auteurs sont Giovanni Hoyois: « L’Ardenne dans la tourmente », Louis Lefébvre: « Le siège de Bastogne », la baronne Greindl: « Noël à Isle-la-Hesse ».
Notre village de Chenogne, qui est le point de départ de ces quelques lignes et l’objet de nos regards, restera le point central autour duquel vont se déployer les forces américaines et allemandes. Dès lors, les grands traits qui constituent le canevas de l’offensive Von Rundstedt seront complétés, en ce qui concerne Chenogne, d’un assemblage de faits et de souvenirs qui nous sont propres.
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Dimanche 17 décembre.
Tandis que le VIème armée de Sepp Dietrich, qui attaque au nord, rencontre une résistance insoupçonnée mais inébranlable aux portes de Butgenbach et de Trois-Ponts, la Vème armée de Manteuffel semble, par contre, aller vers la victoire. Si son aile droite se heurte à une résistance à Saint-Vith, le centre, lui, progresse en direction de Houffalize. Son aile gauche a pour mission de s’emparer de Bastogne. Elle envahit le Grand-Duché de Luxembourg.
La VIIème armée qui pénètre dans Echternach et Berdorf, verra sa progression définitivement enrayée dès le lendemain. A Chenogne, le grondement lointain des canons suscite l’inquiétude L’électricité ne nous parvient déjà plus.
Lundi 18 décembre.
La VIème armée enlève La Gleize et Stoumont tandis que la Vème attaque Saint-Vith. Devant la horde allemande qui approche de Longvilly et Bras, et avec le reflux des troupes américaines, l’inquiétude fait place à l’angoisse. C’est ainsi que le petit séminaire de Bastogne renvoie ses élèves; ceux-ci quittent la ville par tous les moyens et se mêlent aux colonnes de réfugiés qui fuient la ville. Avec l’éclatement des premiers obus aux approches de Bastogne, arrivent deux interminables convois de renforts américains: le premier est constitué par le Combat Command B (NDLR : de la 10ème division blindée) et l’autre est la 101ème division aéroportée.
Le canon tonne ! Nous savons les Allemands à nos portes mais nos alliés investissent Bastogne… C’est pourquoi, confiants, nous ne pensons pas encore au danger qui nous menace. D’ailleurs, que pourraient opposer les Allemands à l’armement américain ? Mais nous négligeons le brouillard qui couvre l’Ardenne, brouillard sur lequel compte l’agresseur et qui doit le favoriser dans son attaque éclair. A la tombée de la nuit, les Américains prennent position à Noville et à Wardin. Anxieux mais calmes, nous attendons.
Mardi 19 décembre.
Situation météorologique: brouillard assez épais avec de très rares semblants d’éclaircies.
La VIème armée est définitivement immobilisée et Stavelot est repris. Saint-Vith résistera jusqu’au 22. La 2ème division Panzer atteint Bourcy à 4 heures et gagne ensuite Noville. A 5.30 heures, elle attaque. Le major Desobry tiendra Noville jusqu’au 20 à midi, au prix de 13 officiers, 179 soldats et 11 chars. L’avance de la 78/26 Volksgrenadier, venant de Michamps et gagnant Foy, le forcera en effet à se replier sur cette dernière localité. Mageret fait l’objet des convoitises des deux opposants. L’attaque américaine échoue. Le général Bayerlein, commandant de la 902ème Paner Lehr, craignant un guet-apens, ne dépasse Neffe que vers 20 heures. Les attaques contre Bizory sont repoussées avec de lourdes pertes. Du sud de Wardin, le colonel O’Hara est obligé de se replier au nord de Marvie. Ainsi, la première position américaine de Wardin a dû être abandonnée. Marvie est l’objet d’une attaque de la 901ème Panzer Lehr: après deux heures de combat, les américains y reprennent position.
Ce même jour, le ciel s’éclaire des lueurs de Bras et Wardin en flammes. Malgré tout, le flanc est de Bastogne résiste mais il n’en est pas de même malheureusement, pour les flancs nord et sud. En effet, le soir, les Allemands occupent Givroulle au nord. Si nous connaissions cette poussée au nord de Bastogne et l’incursion d’une patrouille blindée jusqu’au poteau de Losange, nous ne dormirions sans doute pas aussi tranquilles ! Durant la journée, le canon tonne sans arrêt mais c’est toujours à l’est.
Mercredi 20 décembre.
Au cours de cette journée que le brouillard enténèbre, les armées allemandes, après avoir tenté en vain de percer le front que tiennent les Américains à l’est de Bastogne, vont, en deux temps trois mouvements, encercler la place forte qu’est devenue la cité ardennaise. Mais nous ignorons tout de cette bataille dont la mâchoire gauche allait nous broyer. D’ailleurs, nous avons toutes raisons d’espérer encore…
A l’est de Bastogne, les allemands attaquent le front défensif en quatre point différents: à Bizory, à l’ouest de Neffe, à l’est de Mont et à l’est de Marvie. C’est un échec. D’autre part, Noville tombe vers midi comme nous l’avons dit plus haut. Au nord, la 2ème Panzer contourne Bastogne par Compogne, Bertogne et Salle. Son avance est bloquée pour un jour à la barrière Hinck.
Un premier groupe de jeunes gens quitte Chenogne. Les nouvelles sont peu rassurantes et pourtant nous ne risquons rien puisque les Américains nous séparent toujours des Allemands. Au sud, le 26ème Volksgrenadier occupe Lutrebois, Lutremange et Villers-la-Bonne-Eau; l’après-midi elle atteint Sainlez, Remoifosse, Salvacourt et Hompré. Nous ignorons toujours le sort tragique de ces localités.
Vers 16 heures, grand branle-bas à Chenogne ! Venant de Sibret, une unité d’artillerie américaine prend position au bord de cette route, devant nos maisons. 300 hommes, 12 canons à longue portée: des pièces de dernière ligne … L’état-major s’installe dans notre maison, à dix pas des canons. Les cartes sont déployées, examinées; les positions sont établies. Mais tout est muet: canon, officiers, soldats ! Ils s’installent pour la nuit; une forte génératrice nous rend du courant pour cette dernière nuit de liberté. Noirs et Blancs vaquent à leurs occupations.
Le paisible village de Chenogne s’affole. On y fait ses valises, on y entasse ce que l’on estime être le plus précieux. Et on attend… Et on s’interroge: « partez-vous ?…Et pourquoi ? En 1940, nous sommes partis sans raison ! Et où aller ? » Et tandis qu’une fois encore, les braves campagnards cherchent dans le sommeil l’oubli de leurs inquiétudes, tandis que l’Américain veille, la 26ème Volksgrenadier coupe la route de Bastogne à Neufchâteau…la seule route par laquelle le quartier général de la 101ème division peut encore être ravitaillé.
Jeudi 21 décembre.
Minuit ! « Madame, veuillez ouvrir toutes les fenêtres, nous allons mettre toutes nos pièces en action ! »
A nouveau, branle-bas général. Les soldats sont à leur pièce, l’état-major se concentre sur les cartes. Le canon tonne sans arrêt jusqu’aux premières lueurs du jour. Une accalmie… la nervosité gagne tout le monde et pourtant, le paysan se tient toujours à son travail comme s’il y cherchait un moyen de dissimuler son émoi. Ou bien l’état-major ne sait rien et, dans ce cas, il n’est pas mieux informé que nous, ou bien il nous cache quelque chose.
Et tandis que la 26ème Volksgrenadier envahit Sibret, les canons américains de Chenogne crachent à nouveau le feu dans la direction de Noville. Huit heures, neuf heures, dix heures, l’un après l’autre les canons se vident de leur charge et le cycle est parfait. Mais, les Allemands avancent en tapinois. Un instant, les communications semblent bien être anormales entre les troupes amies qui nous protègent: les allées et venues des hommes de transmission entre leur camion-radio et le bureau de l’état-major inquiètent ceux qui les ont remarqués. L’Allemand ne connaît pas la force de l’adversaire et va le prendre par surprise.
11 heures 20: grande panique parmi les artilleurs qui abandonnent leurs canons, désertent leur poste de garde, interrompent leur toilette et se précipitent vers le bureau des officiers… Les premiers éléments motorisés de la Volksgrenadier pointent sur les hauteurs du village ! Quelques coups de feu ont semé la déroute. Les Américains détalent comme des lapins, abandonnant tout, même leur état-major. La fuite est indescriptible. La panique a transformé le meilleur équipement en un amas invraisemblable d’épaves. L’état-major s’empresse de sauter sur un des derniers véhicules qui s’enfuient. Les Allemands sont là !
Les derniers jeunes gens se trouvant encore au village ont à peine le temps de rassembler un petit baluchon, ils sautent sur leur vélo et se retrouvent, à six, à la sortie du village vers Lavaselle. Les balles sifflent dans les haies, des obus éclatent de-ci, de-là. Ces jeunes gens abandonnent leur famille et leur village à la destruction et à la ruine de la guerre.
Au village, l’affolement est à son comble. Les Américains sont partis en emportant tout ce qui facilitait leur fuite ! Le reste, le ravitaillement, les munitions, le luxe dont ils s’étaient entourés, tout est à l’abandon. Les voisins accourent; on détruit les cartes d’état-major, on enlève les téléphones, les jumelles, tout l’équipement militaire qui ne peut que mettre en fureur les Allemands s’ils le trouvent. Puis, nous nous enfonçons dans les caves. Mais pourquoi ? « lls » vont nous soupçonner ! Le coeur serré, nous remontons avec courage. Le cauchemar commence, les voilà ! Les premiers arrivent sur du matériel américain, pour la plupart. « Ils » réapparaissent glorieux. Un jeune SS de 17 ans se dirige vers la maison, baïonnette au canon: »Américains ? »…
Non ! Il repart…On attend. Il est 11.40 heures.
Un silence de mort plane sur le village. La terreur, la grande terreur nous fige sur place. Qu’allons-nous devenir ? Et les minutes et les heures passent. La 26ème Volksgrenadier descend le village et occupe toutes les maisons. Nous sommes relégués dans une ou deux pièces de notre habitation et ne pouvons assister qu’impuissants à cette nouvelle avalanche de soldats gris et noirs. Noirs par leur uniforme, cette fois. La 26ème Volksgrenadier est essentiellement une armée d’infanterie. Aux chenilles, camions, chariots allemands se mêlent des jeeps et des chars pris aux américains. La carabine américaine est très appréciée comme d’ailleurs tout l’équipement américain: il est plus léger et mieux adapté. Les Allemands sont tout jeunes, pleins d’allant et ivres de leur victoire. Les batteries de cuisine arrivent vers le soir et s’installent dans la cour de la ferme. Deux petites Polonaises sont leurs…cuistots. Mais leur cuisine doit être pauvre car il semble que leur ventre soit creux et ils vivent de rapines. Aussi, dès le premier jour nous voyons-nous dépouillés de quantités de victuailles. En un sens, ils sont paisibles car ils ne s’attaquent pas aux civils comme ils l’ont fait ailleurs. Les premières estafettes ont pénétré dans les bois de Musy et dans ceux qui entourent la chapelle de Saint-Joseph. Le cercle s’est refermé sur Bastogne.
Vendredi 22 décembre.
Le temps s’est refroidi mais les conditions atmosphériques ne sont pas encore favorables à l’aviation. La journée voit s’écouler le flot montant de la marée allemande. Il faut se faire à la situation et vivre de ce que l’on possède. Il faut même disputer aux Allemands les provisions de nos caves. Le va-et-vient des troupes couvre toutes nos petites occupations. Nous savons Bastogne encerclée mais nous ignorons alors que ce même jour, le commandant de la place, le brigadier général McAuliffe avait rabroué les plénipotentiaires allemands venus lui demander sa reddition.
Samedi 23 décembre.
La terre est durcie par le gel et les pentes sont accessibles aux chars. Le brouillard s’est dissipé et la neige couvre le sol d’une uniformité reposante. Après s’en être pris aux garde-manger, les Allemands vont à présent dévaster les garde-robes. C’est qu’en effet, les draps de lit et tous vêtements blancs constituent un excellent camouflage. Le commandement allemand donnant l’ordre de vider les étables pour y soigner ses chevaux, nous sommes forcés d’envoyer notre bétail dans la neige.
9.35 heures. A notre plus grande joie, nous voyons arriver dans le ciel de grands oiseaux noirs. Quelques avions de transport parachutent des éclaireurs qui prennent contact avec les services de ravitaillement de la 101ème division. Ce n’est encore qu’un prélude. De 11.30 heures à 16 heures, une armada de 241 « Dakota » parachute 144 tonnes de munitions et de ravitaillement. A leur passage, les Allemands pointent leurs fusils vers les carlingues étincelantes. L’effet de ce tir de barrage est pratiquement nul. A partir de ce jour, des escadrilles de chasseurs américains vont pilonner les concentrations allemandes à l’ouest de Bastogne.
Le général Kokott, commandant de la 26ème Volksgrenadier, tente une nouvelle attaque contre Marvie. Avec des effectifs plus élevés que le 20 décembre, il parvient à submerger les Américains au centre mais les deux extrémités du secteur résistent. A minuit, les défenseurs sont parvenus à colmater la brèche.
Nous avons, en soirée, la visite d’un hitlérien parfait: le lieutenant SS Hess, neveu du fameux Rudolf Hess. Sur son passage, les talons claquent !
Dimanche 24 décembre.
Alors que la 2ème division panzer atteint Celles, à 8 km de Dinant, et les abords de Ciney, le général Manteuffel s’inquiète de la tournure que prennent les événements à Bastogne. Il rencontre le général Kokott et lui ordonne de prendre Bastogne le jour de Noël: il met à sa disposition la 15ème Panzergrenadier. Celle-ci arrivera à Mande-Saint-Etienne vers minuit.
De 8.30 heures à 15.30 heures, nous assistons à un parachutage aussi spectaculaire que la veille:160 avions larguent 100 tonnes de ravitaillement. Nous savons que les Américains sont décidés à tenir Bastogne: ces parachutages fréquents et massifs en sont la preuve.
Les Allemands sont joyeux ! Demain, ils porteront le coup fatal et ils auront un beau cadeau de Noël à offrir à leur Führer. Car demain, c’est Noël… et ils ne l’oublient pas. Ils s’apprêtent à le fêter: toutes les chambres de la maison sont garnies de sapins. Aux chants des hordes allemandes se mêlent les coups sourds du bombardement de Bastogne. La Luftwaffe, qui a mitraillé Marvie et Bastogne au cours de la journée, revient en effet avec plus de force durant cette nuit. Il est difficile de dormir et nos yeux sont rivés vers l’est. Le ciel y est rouge.
Lundi 25 décembre.
NOEL !
A 3.30 heures du matin, le général Kokott lance ses chars dans la plaine d’Hemroulle afin de prendre à revers la position américaine de Champs. A Champs même, la 77/26 Volksgrenadier est entrée en action et on se bat de maison en maison. Mais les Allemands essuient un cuisant échec: ils laissent sur le terrain 165 tués et 208 prisonniers. Pendant ce temps, à Chenogne, Monsieur le Curé Heidesch célébrait la messe de Noël, la dernière de cette année 1944. Aux mêmes heures, à Bande, 34 jeunes gens dont 4 élèves du séminaire de Bastogne, étaient la proie de la furie hitlérienne. Le matin du 25 décembre, le ciel est très clair et les chasseurs alliés sillonnent le ciel. Ils mitraillent sans arrêt l’enceinte de Bastogne, préparant ainsi l’arrivée de Patton. Sibret flambe. Un bi-fuselage « Lightning », en mission de renseignement, photographie l’Ardenne dans la tourmente. Il est abattu par la D.C.A. et va flamber dans les bois de Chenogne au lieu-dit « La Petite Sepèche ». Bien longtemps après, nous recueillerons les restes de l’aviateur et les ensevelirons au cimetière de Chenogne. A midi, nous voyons à nouveau passer par centaines des avions américains se dirigeant vers Bastogne. Nos coeurs se réjouissent et pourtant, le calvaire de Chenogne va commencer.
Mardi 26 décembre.
Depuis le 22 décembre, la 4ème Armored Division de la 3ème Armée, sous le haut commandement du général Patton, monte de Neufchâteau vers Bastogne, avec mission de délivrer la garnison assiégée. Ce jour, vers 3 heures, elle arrive sur les hauteurs qui dominent Clochimont et se prépare à attaquer Sibret. Mais l’idée de marcher droit sur Bastogne l’emporte et le lieutenant-colonel Abrams commande l’attaque d’Assenois. La résistance allemande est tenace et ce n’est que vers 8 heures qu’Assenois est dégagé. 428 allemands y sont capturés. Le moral des Allemands est atteint. On le voit. On le sent. Des troupes montent au combat vers Sibret sous le feu de l’aviation alliée qui pilonne les routes. Il ne fait plus bon sortir. Des balles commencent à siffler de trop près. Nous avons la visite du capitaine Hoffman, Alsacien de naissance. Il a une blessure à l’épaule et s’en réjouit: demain, il partira pour l’Allemagne et s’éloignera ainsi du carnage final. La fin est proche.
L’après-midi et dans la soirée, des soldats allemands fabriquent des croix pour leurs camarades morts sur les routes d’Ardenne. Deux de ces croix sont destinées à Werner Berner et Heinrich Krauss, enterrés dans le pré à côté de la maison Lanners.
Mercredi 27 décembre.
Au cours de la nuit, les Américains procèdent au nettoyage des bois de chaque côté de la route qui va d’Assenois à Bastogne. Le matin, les convois de ravitaillement peuvent pénétrer dans la ville. A Sibret, la bataille fait rage. On se dispute les maisons. Nous en ressentons le contre-coup à Chenogne: des troupes allemandes y viennent au repos, d’autres montent au front.
Le ciel est silloné d’avions. On entend le vrombissement des chasseurs qui virent au-dessus des campagnes de Chenogne. La Croix-Rouge allemande est installée dans la maison d’oncle Nicolas.
La journée est très claire et très froide. Vers 18 heures, une colonne de blindés arrive de Mande-Saint-Etienne… Ce sont les rescapés de la 15ème Panzergrenadier qui a combattu à Hemroulle. Ils s’arrêtent à Chenogne. L’ombre des chars se détache dans la clarté de la lune. Les commandants viennent se regrouper autour de la table de la cuisine. A la lueur des lanternes, ils tiennent conseil: ils renoncent à leur marche sur Sibret et prennent position dans et au nord de Chenogne. Il gèle dur. Les canons se sont tus et la chanson des fils téléphoniques est le seul murmure qui emplisse l’atmosphère. Tout à coup, une détonation de fusil. Dans une cuisine, des soldats nettoient leur fusil et un imprudent a appuyé sur la gâchette de son arme. Le coup est parti vers le haut… Un trou au plafond… Une première victime de ce retour des Allemands: tante Irma est blessée grièvement. Un va-et-vient de civils sous la garde d’un soldat allemand et la nuit emporte avec elle le souvenir d’un groupe de six enfants qui viennent de dire adieu à leur mère.
Jeudi 28 décembre.
De la veille, notre famille s’est accrue de six personnes. Cette nuit encore, nous nous sommes tenus à l’étage mais il s’en est fallu de peu que nous ne le quittions définitivement.
Enfin, l’aube est là, mettant fin à cette nuit qui est plus un cauchemar qu’autre chose. Les allées et venues des soldats harassés de fatigue, la terreur et la mort sur les visages sont les tableaux que nous avons sous les yeux.
Sibret est libéré. Les Américains s’avancent dans les terres vers Musy. En rase campagne, le nettoyage est aisé mais l’ennemi va se terrer dans les bois. La bataille se rapproche. On le voit, on l’entend. Les Allemands se font plus rares. Les troupes d’arrière-front sont parties et il reste les troupes de choc; elles sont au combat.
Midi. Un dernier départ de l’ambulance allemande qui emmène tante Irma. « Ils » promettent de la soigner à Saint-Hubert mais, en cours de route, « ils » devront faire demi-tour et c’est à Brachtenbach qu' »ils » viendront échouer dans la soirée. La blessée sera morte avant qu’ « ils » n’aient pu lui porter secours.
L’après-midi, la bataille s’intensifie aux portes de Chenogne Les chars allemands circulent dans le village et crachent leur feu vers Sibret
Dès ce jour, nous commençons à vivre dans la plus grande ignorance, et du temps et de l’heure. La pluie des obus va nous forcer à gagner les caves. Le soir tombe. Certains pensent pouvoir s’étendre sur un lit mais ils s’empressent de le quitter tant la canonnade devient menaçante.
Vendredi 29 décembre.
Il est difficile de déterminer quand la nuit prend fin. Elle a cependant été meilleure que la précédente. On se fait à la vie dans les caves et on y a, en plus, un sentiment de sécurité que l’on ne connait plus à l’air libre. Nous avons encore pour nous l’espace vital mais, aujourd’hui, nous donnerons asile à une partie des gens de Chenogne et nous serons en outre, envahis d’Allemands.
Le combat reprend avec plus d’intensité aux premières heures de la journée. Le rugissement des « Tigres » et des « Panthers » est maigre comparativement à la pluie d’obus que déversent les chars américains. La Croix-Rouge, d’abord installée chez oncle Nicolas, vient se réfugier dans nos caves, ce qui nous force à nous serrer. Un drapeau de la Croix-Rouge flotte à la barrière et aux soupiraux. Les occupants dressent des mitrailleuses. Ils font de notre maison, comme de toutes les maisons, de petites forteresses qu’ils défendront jusqu’à la dernière cartouche. Dans l’après-midi, l’aviation américaine entre dans la danse. Pendant 4 heures, Chenogne passe au crible des mitrailleuses. Le résultat ne se fait pas attendre: de-ci, de-là, un brasier s’allume.
Le calme revient vers 18 heures. On met le nez dehors et on voit le ciel rougeoyer des dernières lueurs qui s’échappent des brasiers qui, ce matin, étaient encore les maisons Cordonnier, Louis, Incoul, Zabus, Bihain, Gaspard, Châlon, Willot, Laloy, Gillet et Lanners. On retrouve des gens perdus qui cherchent un abri contre le froid et la mitraille. Un nouveau drame vient d’endeuiller une famille de Chenogne. Fuyant le feu qui consume leur maison, la famille Zabus gagne les fonds de Mande-Sainte-Marie, à travers champs. Elle descend le versant face à la maison Mignon, quand, tout à coup, elle est clouée au sol par une rafale de mitrailleuse. La belle-mère, Adeline Hoyot, la mère, Mariette Hastir, les deux filles, Marie-José et Gisèle Zabus sont tuées sur le coup. Le père est grièvement blessé à l’épaule et assiste, impuissant, à la destruction de sa famille. Son benjamin à la jambe arrachée et meurt sous ses yeux. Avec un courage surhumain, il gagne la maison Mignon qui est devenue l’asile de la rue de Mande-Sainte-Marie.
Le soir descend sur les ruines de Chenogne. Les Américains font leur première poussée. Les Allemands déguerpissent. Un seul est resté avec nous. Il veut se rendre. Un calme de mort accompagne le ronronnement d’un char qui descend la route venant de Sibret. Il s’arrête à la chapelle du calvaire, fait demi-tour et remonte. On s’interroge du regard… Que font-ils donc ? On a à peine le temps de se le demander que les Allemands rentrent en trombe dans les caves. Fuite simulée ! La deuxième nuit dans les caves commence. Allemands et civils se partagent la place: environ 80 en tout. De temps en temps, l’arrivée d’un blessé ou un ordre guttural viennent troubler l’immobilité de la cave.
Samedi 30 décembre.
La notion du jour et de la nuit n’a désormais plus de valeur pour nous car nous ne verrons plus le jour avant le 1 janvier à 11 heures. Mais, enfin, au point de vue chronologique, elle garde son sens. Tandis que la nuit s’est écoulée au rythme des obus qui éclatent tantôt à gauche, tantôt à droite, le crépitement des mitrailleuses semble annoncer le lever du jour. Pense-t-on encore à se nourrir ? On grignote quelques bouts de pain, mais le coeur n’y est pas. Tout à coup, le feu se déclare au corps de la ferme. La grange ne fait qu’une flambée. La fumée, entrant dans les étables, intoxique les bêtes qui s’y trouvent encore. On les libère de leurs chaînes. Rendues à l’air libre, elles iront toutes au charnier que leur prépare la bataille. Le feu gagne les dépendances du corps de logis et les Allemands voient alors le courage et l’audace téméraire de l’Ardennais qui défend son toit. Unis dans la détresse, nos braves villageois se débattent pour sauver le dernier toit qui les abrite. Il faut que le ciel ait veillé sur eux car ils rentrent tous sains et saufs du sauvetage. Nous apprendrons plus tard que, ce même jour, la grande famille de Chenogne perdait encore 7 de ses enfants: Joseph Châlon, Maria Châlon, Léona Châlon, Marie Roland née Châlon, et ses enfants: Anne-Marie, Raymonde et Marcelle Roland. Les familles Châlon et Roland ont quitté Chenogne la veille au soir lors de l’incendie du village. Elles se sont dirigées vers Houmont pour y trouver la mort.
La bataille devient de plus en plus sauvage et aussi de plus en plus sanglante. Nous le voyons au nombre de blessés qui viennent chercher des soins. Nous l’entendons au bruit assourdissant qui domine les cris des blessés. Il nous souvient de l’arrivée d’un soldat couvert de brûlures très profondes: une balle a touché le réservoir de sa moto qui a instantanément pris feu.
La troisième nuit dans la cave est marquée par le râle des agonisants.
Dimanche 31 décembre.
Nous n’avons pas fermé l’oeil de la nuit et la faible lueur que diffusent les soupiraux nous apprend que le jour est levé. Cette bataille sera-t-elle donc interminable ? A entendre le crépitement de la mitraille, il nous semble qu’un corps-à-corps est engagé dans le village. L’Allemand ne s’occupe pas du civil. Nous sommes tous blottis dans notre coin en attendant on ne sait quoi. Vit-on encore ? On ne sent plus, on n’entend plus, mais on respire encore. Notre vue se limite au va-et-vient de la soldatesque. Les blessés sont soignés rapidement puis s’en retournent au combat. Quand la tempête se fait plus violente, ils accourent se mettre à l’abri. Un obus vient d’éclater à deux mètres de l’ouverture ouest des caves. Le plâtras des plafonds s’affaisse. Une poussière épaisse voile la sortie. Est-ce fini ? Non ! La maison tient toujours. On se cherche. Tout le monde peut encore dire « présent » ! Les oreilles sont tellement assourdies qu’elles ne distinguent plus l’éclatement d’un obus du coup sourd d’une bombe qui laboure la terre. L’aviation rentre en action et veut en finir avec ce dernier nid de résistance de l’aigle allemand. Aux grands maux, les grands remèdes. Dominant le crachement des mitrailleuses, le sol tremble et s’entrouvre: des bombes explosent et ébranlent les maisons. A Mande-Sainte-Marie, les maisons Marthus et Hubermont, à Chenogne, la maison d’oncle Nicolas sont la proie des flammes. A la liste funèbre, viennent s’ajouter deux noms: Catherine Hubermont et Maria Caprasse. Des blessés affluent à nouveau. Aux prières de nos gens se mêlent les cris désespérés de quelques soldats à la mort. Il nous faut abandonner une cave et en faire une morgue officielle. La situation devient critique.
Les Allemands sont-ils inconscients et qu’espèrent-ils encore ? Aux soupiraux de la cave à côté, les mitrailleuses répondent à notre place. La quatrième nuit de terreur commence… chapelets de balles et chapelets de prières.
Lundi 1 janvier 1945.
« Bonne, sainte et heureuse année, n’est-ce-pas ! »
Le premier qui nous parle ainsi à l’aube du premier jour de l’année nouvelle est Monsieur l’Abbé Heidesch, le pasteur de la barque. Inquiets du sort de ses paroissiens qui se trouvent dans les étables, il quitte les caves malgré nos protestations et, providentiellement, parvient à rejoindre les familles réunies sous les voûtes de la grange. Nous le retrouverons après-midi. La situation devient intenable: le vacarme assourdissant, la fatigue et la faim nous ont transformés en de simples automates. La nervosité gagne certains d’entre nous et leur donne toutes les audaces. Ils s’en prennent aux officiers allemands et leur reprochent de sacrifier les civils à de vaines tentatives de résistance. La bataille devient vite un enfer dans lequel s’entremêlent bombes, obus, shrapnells et balles. L’appréhension de la fin est de plus en plus forte. D’appréhension, elle deviendra réalité. Lentement, mais avec une régularité croissante, une fumée âcre, de plus en plus épaisse, envahit les caves. L’émoi, la douleur, la souffrance nous soulèvent. La maison brûle et ces fanatiques ne veulent pas se rendre. On se bouscule, on se débat, on suffoque.
Il est 11 heures. L’Allemand a enfin compris. Le civil attache un drap blanc au fusil du soldat et le pousse vers la sortie. De l’air, de la lumière… Peu importe le vacarme, peu importent les menaces, peu importent les balles… De l’air ! Le ciel est resplendissant. Le cauchemar serait-il fini ? Mêlés aux soldats gris, nous nous pressons vers les marches de pierre qui conduisent à la lumière. L’Allemand a à peine posé le pied sur la dernière marche qu’une balle l’envoie rejoindre ses frères qui gisent dans la neige. L’oeil adroit du « soldier » ne manque pas son coup. Ainsi qu’un rideau tombe, l’écroulement du Teuton nous dévoile le décor. Sur un fond de neige, de givre et de froid, un char américain braque sur nous la gueule de son canon. Tout autour des mitraillettes, des fusils, des carabines sont aux aguets.
Nous avançons dans la neige et nous sentons dans notre dos la chaleur du brasier qui fut notre maison. Sans but, sans intention aucune, nous nous approchons de nos libérateurs qui nous indiquent la direction du champ de neige se trouvant devant la maison. Au passage de la route, un enfant s’enfonce dans la neige du fossé. Un géant d’Outre-Atlantique l’attrape par le bras et le remet sur un chemin plus ferme. Nous sommes au coeur du champ de bataille… Egarés et sans abri… Nous nous couchons à même la neige et attendons une accalmie.
Une heure passe. Le vrombissement des avions, le sifflement des balles, l’éclatement des obus nous font oublier la neige et le froid. Un silence et un peu d’audace et nous voilà de retour vers les étables de la ferme. Nous y retrouvons M. l’Abbé Heidesch et ses ouailles. Nous apprenons que Mademoiselle Héléna Cordonnier est restée dans les ruines de la maison. Agée et rhumatisante, elle aura suffoqué dans la fumée et n’aura pu gagner la sortie. Nous sommes très inquiets du sort de notre chef de famille qui a disparu avec sa petite-nièce et son petit-neveu. Nous saurons plus tard qu’ils ont quitté l’incendie par une autre sortie et qu’ils ont gagné Poisson-Moulin.
Vers 14 heures, nous quittons les ruines de Chenogne et prenons la route de Sibret, fuyant ces champs de destruction et de mort. Cà et là, dans les campagnes brillent les toiles rouges, vertes, bleues et jeunes dont les Américains couvrent leurs chars et auto-mitrailleuses pour se faire reconnaître de leur aviation. Le long de la route traînent des bêtes crevées et des soldats gris figés dans la mort. Nous longeons des colonnes alliées qui descendent au front. D’autres sont stationnés sur les versants sud des vallonnements qu’il nous faut dépasser pour atteindre Sibret.
Enfin, nous y sommes. Mais notre pérégrination ne s’arrête pas là. Il nous faut gagner Jodenville où l’hospitalité de braves gens nous donnera un toit et un abri pour les jours à venir.
On a tout perdu mais on connaît le bonheur de se retrouver tous ensemble sous le même toit.
EPILOGUE: la fin d’une illusion
Les Allemands ont joué leur dernière carte et ils ont perdu. Ils vont défendre avec acharnement leur dernière grand-route de retraite: la route Saint-Hubert – Houffalize.
Du 2 au 6 janvier, la bataille fait rage dans les bois au nord de Chenogne appelé Bois des Valets. Tillet n’est repris par les Américains que le 10 janvier après une violente bataille qui oblige les habitants à se réfugier pendant 10 jours dans les caves. Le 11 janvier, Laroche est libérée. On y compte 120 civils morts et 350 immeubles détruits. Le 14 janvier, les Américains entrent à Stavelot, le 15 janvier à Houffalize. Le canton de Vielsalm reste occupé jusqu’aux derniers moments de l’offensive soit les 20 et 22 janvier.
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« Chenogne, pris et repris trois fois, fut l’enjeu de combats considérés comme les plus violents de l’offensive »
L’Avenir du Luxembourg
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Si vous étiez venus à Chenogne deux ou trois mois plus tard, vous auriez vu ce que Giovanni Hoyois a décrit :
« Tant que la neige recouvrait le pays, tant que le gel durcissait les chemins et les dépouilles, le paysage gardait une ligne. Mais, quand vint le dégel, ce fut un autre spectacle: on assiste alors à toute la hideur d’une décomposition. Ce que la neige avait pieusement dissimulé apparut dans une nudité affreuse. La campagne était jonchée de cadavres baignant dans la boue: des hommes, des chevaux, du bétail. On trouvait une tête de vache par ici, un demi-cheval par-là, des pattes et des sabots éparpillés; on voyait s’amonceler par places une informe bouillie. Ces corps gisaient depuis des jours et des semaines là où un éclat d’obus les avait frappés, là où la bombe les avait projetés et, dans ce pays où nul n’osait sortir de chez soi, personne n’y avait touché. Personne sinon la neige, mais, maintenant à découvert, ce sépulcre devenait un immense charnier.
Sur les lignes de combat, tout était fracassé: les bois étaient eux-mêmes déchiquetés, les fûts projetés en tous sens, les plus gros hêtres réduits en échardes. Les branches mutilées tendaient leurs moignons difformes et toute la ramure jonchait le sol. Les routes avaient subi de telles convulsions que, sur de longs parcours, on en perdait la trace. Cratères d’obus, matériaux effondrés, arbres coupés en travers, tout était obstacle et rien n’ouvrait passage. Si les grandes chaussées, indispensables aux armées, furent assez vite rendues praticables, les chemins vicinaux demeurèrent à l’état de fondrière et de cloaques. Certains hivers, les villages d’Ardenne sont bloqués par les neiges; ils l’étaient, cette fois, par le bouleversement de toute la voirie.
Avec cela, de tous côtés, des camions mis en pièces, des tanks cloués sur place, la chenille pendante, ou retournés sur le dos comme un mille-pattes. Partout, dans les fossés, cette ferraille informe que les combats disséminent comme le vent d’automne fait des feuilles mortes: plaques de tôle défoncées, barres tordues, carcasses d’autos flambées. Par endroits, de grands avions abattus dans un déchiquetage forcené d’ailerons et de fuselages, parsemant de leurs débris un rayon de plusieurs centaines de mètres, avec les masses noires des moteurs roulés à travers champs comme au jeu de boules.
Ainsi apparaissait la campagne d’Ardenne, dès que le voile fut levé. »
« L’Ardenne dans la tourmente », page 28.