Par Roger Marquet
Mon objectif, dans ce petit article est d’essayer de comprendre le pourquoi des différences de nombres de pertes parmi toutes ces sources.
Passons donc en revue quelques-unes des nombreuses publications qui traitent du sujet et ne nous occupons que des chiffres des pertes américaines.
1. La Bataille des Ardennes – Michel Hérubel – Presses de la Cité Paris, 1988
Américains | Allemands | |
Tués | 8.607 | 12.652 |
Blessés | 47.139 | 38.600 |
Disparus | 21.144 | 30.582 |
Total | 76.890 | 81.834 |
2. Noël 44 – La Bataille d’Ardenne – Charles B. McDonald – Ed. Didier Hatier- Bruxelles, 1989
Américains | Allemands | |
Tués | 19.000 | |
Blessés | 47.000 | |
Disparus | 15.000 | |
Total | 81.000 | 100.000 |
3. La Grande Bataille des Ardennes – Hugh M. Cole – Omer Marchal Editeur – Villance -en-Ardenne, 1994
(n’entre pas en ligne de compte parce qu’il ne cite que les pertes de la première partie de la Bataille)
Tués (du 16.12 au 2.1) | 4.138 |
Blessés (du 16.12 au 2.1) | 20.231 |
Disparus (du 16.12 au 2.1) | 16.946 |
Total | 41.315 |
4. Ardennes Album Memorial – Jean-Paul Pallud – Heimdal, Paris 1986
Américains | Allemands | |
Tués | 8.607 | 10.749 |
Blessés | 21.144 | 34.225 |
Disparus | 47.139 | 22.487 |
Total | 76.890 | 67.461 |
5. La Bataille d’Ardenne – Peter Taghon – Ed. Racine – Bruxelles, 1994
Américains | Allemands | |
Tués | 10.733 | 12.652 |
Blessés | 42.316 | 38.600 |
Disparus | 22.636 | 58.582 |
Total | 75.685 | 109.834 |
6. Heroes of World War II – Edward F. Murphy – Ballantine books – New-York, 1992
Américains | |
Tués | 10.276 |
Blessés | 47.493 |
Disparus | 23.000 |
Total | 80.769 |
7. Citizen Soldiers – Stephen Ambrose – Simon & Schuster – New-York, 1997
Américains | Allemands | |
Tués | 10.276 | |
Blessés | 47.493 | |
Disparus | 23.218 | |
Total | 80.987 | 80.000 à 104.000 |
8. Sur le Monument du Gateway Chapter V.B.O.B., 1997
Tués: 19.485
Blessés: 45.155
Disparus: 15.360
Total: 80.000
9. Rapport Statistique de l’Armée américaine – 1953
Tués: 19.246
Blessés: 62.489
Prisonniers: 23.554
TOTAL des pertes: 105.289
10. Rapport G-3 – SHAEF du 2 février 1945
Tués: 8.404
Blessés: 46.170
Disparus: 20.905
TOTAL: 75.482
11. Histoire Oubliée des Hommes Perdus – Gilbert Gallez – 1984
Tués: 15.982
Blessés: 62.372
Disparus: 26.590
TOTAL: 104.944
12. La Bataille des Ardennes – Robert E. Merriam – Stock, 1966
Tués: 8.607
Blessés: 47.139
Disparus: 21.144
TOTAL: 76.890
13. Dossiers personnels d’Eisenhower
8.607 tués américains
47.139 blessés
20.905 disparus
14. CRIBA Itinéraire du Souvenir – ED. La Longue Vue, 1994
+ de 10.000 tués américains
+ 70.000 blessés et disparus
15. ‘’Le va-tout d’Hitler’ – Anthony Beavor – Calmann-Lévy Ed. 2015
Tués américains: 8.407
Blessés et disparus: 67.075
Cimetière d’Henri-Chapelle – (Photo ABMC)
Pourquoi tant de différences dans les nombres des pertes ?
Pour tenter de répondre à cette interrogation, nous ne porterons notre attention que sur le nombre de tués américains ? Pour constater que l’écart entre le nombre de tués cité chez l’un peut atteindre 10.000, cité chez l’autre.
Et tout cela chez des auteurs réputés sérieux !
Je crois savoir ou plutôt je devine la raison de ces erreurs à répétition.
Beaucoup d’auteurs ont considéré que, parce qu’elle eut une influence sur la Bataille des Ardennes, en obligeant les Américains à retirer une partie de leurs troupes du front ardennais pour les envoyer sur le front d’Alsace Lorraine (par exemple la 101st Airborne Division qui quitte Bastogne le 18 janvier 1945 pour se porter sur le front de la Sarre), l’Opération Nordwind fait partie intégrante de ladite Bataille des Ardennes. Ils ont donc comptabilisé les victimes de Nordwind avec celles de la Bataille des Ardennes.
Qu’est-ce-que l’Opération Nordwind (Vent du Nord) ?
Opération Nordwind, près de Bitche – Photo Printerest.
L’Opération Nordwind (Vent du Nord) fut une des dernières offensives militaires de la Wehrmacht sur le front de l’Ouest durant la Seconde Guerre mondiale. Elle eut lieu du 31 décembre 1944 au 25 janvier 1945 en Alsace du nord et en Lorraine (France).
Un premier plan d’attaque est conçu vers le 21 décembre à l’initiative du groupe d’armées G qui tient le front du Rhin à la Sarre, comme une attaque dans la suite de la Bataille des Ardennes : une offensive nord-sud contre le saillant que forme la 7ème Armée américaine entre les Vosges et le Rhin.
Le Général Blaskowitz, nouvellement nommé, est responsable de cette opération. Des moyens importants sont disponibles, qui vont permettre à l’offensive de se poursuivre du 1er au 25 janvier 1945.
Général Johannes Blaskowitz – Photo Mémoires de guerre.
À la fin du mois de janvier, l’offensive fut stoppée par les troupes alliées constituées d’unités américaines appuyées par des unités françaises. Les combats les plus violents eurent lieu dans les environs de Hatten et de Rittershoffen, dans le département du Bas-Rhin. Durant les batailles de chars qui se déroulèrent entre le 8 et le 20 janvier 1945, Hatten fut presque entièrement détruite.
À la fin de l’opération Nordwind, les combats faisaient toujours rage dans le Nord de l’Alsace et Haguenau fut bombardée quotidiennement par l’artillerie allemande durant de nombreuses semaines.
Voici qui peut expliquer – même si l’on ne connaît pas le nombre exact des victimes de Nordwind – la différence des chiffres des pertes ardennaises, à savoir : faire un amalgame entre les deux batailles qui, pour moi, sont pourtant distinctes.
Le vendredi 2 février 1945, Colmar fut libérée et, pour la France entière, ce fut l’Alsace qui était libérée. Mais le nord de la région restait toujours aux mains des Allemands.
À Haguenau, 7 000 personnes restées dans la ville de front vivaient dans les caves et ne tentaient que quelques sorties pour se ravitailler, malgré le danger des obus qui tombaient.
Finalement, le 15 mars 1945, les Américains déclenchèrent une contre-offensive générale vers le nord : l’opération Undertone.
Oberhoffen fut attaquée et le premier pont Bailey lancé sur la Moder pour permettre à l’infanterie et aux chars de traverser le cours d’eau. Les Allemands battirent en retraite et les combats s’éloignèrent enfin de « Haguenau la Sanglante », comme l’avait nommée un journal américain.
L’Alsace et la Lorraine3 ne furent finalement entièrement libérées par l’opération Undertone que le 20 mars 1945.
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