La Bataille des Ardennes
Faillite du renseignement américain ?
On a souvent dit que la soi-disant surprise éprouvée par les Américains, le 16 décembre 1944 à l’aube, lors du déclenchement par les Allemands de leur opération Wacht Am Rhein, était due à des manquements du côté des Renseignements militaires (G-2).
Cela n’est pas vrai comme nous allons tenter de le démontrer rapidement.
De quelles informations les Américains disposaient-ils avant le début de la bataille ? Qu’en ont-ils fait ?
- Le Major Dickson (officier G-2 – 1ère Armée) rapporte bel et bien les concentrations de troupes et de blindés qui sont apparemment prêts à attaquer. Son seul tort est de ne pas avoir accordé, lui-même, une grande attention à ces informations et, par conséquent de ne pas avoir insisté sur l’importance de son renseignement. Ce faisant, les Etats-majors n’en ont tenu aucun compte.
- Des prisonniers de guerre américains évadés ont pu se rendre compte de l’importance de ces préparatifs et l’ont rapportée lors de leur retour dans leurs unités. Ces rapports n’ont même pas été vérifiés.
- Des déclarations de Bastognards, de frontaliers belges, luxembourgeois et même allemands n’ont pas mis le C.I.C. (Counter Intelligence Corps) en alerte.La reconnaissance aérienne joue pourtant son rôle. Par exemple, les projecteurs qui vont servir à éclairer l’attaque allemande sont repérés et signalés dès le 6 décembre. Nulle suite ne fut donnée à ces informations.
- Un document reprenant l’ordre d’attaque fut saisi sur un chef de patrouille allemande faite prisonnière. Ce document fut perdu dans les arcanes de la paperasserie militaire américaine.
- Des informations de dernière minute auraient pu être exploitées et ne l’ont pas été.
Pourquoi de telles erreurs d’interprétations ou même de telles négligences sur des renseignements qui semblaient pourtant de la plus haute importance ?
Signalons d’abord que seul le général Strong (officier G-2 d’Eisenhower) vit clairement à quoi on pouvait réellement s’attendre mais prêcher dans le désert n’a jamais réussi à ameuter les foules
- De quelles fautes peut-on accuser les officiers des différents états-majors ?
- Des imprécisions voulues (et c’est un euphémisme) dans les rapports entre officiers supérieurs et autres officiers généraux.
- Des conflits de personnes, notamment de la part du général SIEBERT (12th Army Group) commandant de tous les services de renseignements.
- Bradley se montrant satisfait des interprétations minimalistes, voir de l’absence totale de ces interprétations de la part des services incriminés car cela appuyait sa théorie du ‘’risque calculé’’, c’est-à-dire de privilégier l’envoi de remplaçants donc des hommes, au détriment du matériel, des armes, des munitions, du carburant, de vêtements d’hiver, de rations alimentaires, de médicaments,… Tout cela en sachant que les voies de support et ravitaillements divers se résumaient – jusqu’au 28 novembre, date de la réouverture opérationnelle du Port d’Anvers – au Port de Cherbourg, au pipeline Pluto et au port artificiel d’Arromanche qui ravitaillaient le Red Ball Express, et que, le Front avançant sans cesse, la distance depuis le point de départ s’allongeait, ce système n’avait pas la capacité d’acheminer tout vers le Front et qu’il fallait faire des choix. Choix malheureux, en l’occurrence !
Conclusions.
Malgré la sympathie que dégage Bradley, il faut bien admettre que la responsabilité du manque de réactivité des Américains, lui incombe largement.
Son excuse principale est d’avoir été mal servi par ses subalternes immédiats.
C’est donc bien une monumentale erreur, des manquements coupables des officiers d’états-majors qui finalement retombent sur le dos de leur chef.
Reconnaissance de la faute.
Bradley a reconnu sa responsabilité dans son livre ‘’A Soldier’s Story’’ (Histoire d’un Soldat) en écrivant notamment qu’il avait endossé les conclusions de la 1ère Armée de Hodges (page 448). Rappelons que la 1ère Armée avait conclu que les préparatifs observés chez l’ennemi laissaient prévoir le déclenchement d’une attaque de flanc de faible importance.
Bradley s’est alors concentré sur l’envoi de remplaçants plutôt que d’autres choses tout autant nécessaires. Il est même allé, pour obtenir plus de remplaçants que le Théâtre des Opérations du Pacifique, jusqu’à envoyer un de ses officiers d’état-major, le général O’HARE à Wahshinton D.C. en lui donnant comme instructions (page 449)’’ de nous assurer que nous aurions assez de remplaçants pour anticiper les pertes, j’ai demandé à O’HARE de demander que les remplaçants soient prioritaires dans les transports en provenance des États-Unis. Il devait également insister pour que Washington adhère à nos souhaits de quotas sur les fantassins et [devait] insister pour qu’un effort immédiat soit fait pour reconstituer notre puissance de feu.’’
En résumé, les gars du G-2 avaient bien fait leur boulot. Ce sont les états-majors – et finalement Bradley – qui ont failli.
Mais alors, pourquoi l’avoir nommé – et le seul des officiers de la Seconde Guerre Mondiale dans le cas – General of the Army, ce qui est l’équivalent d’un Maréchal en France ?
Pour sauver la face ?
Renseignements trouvés essentiellement dans les livres suivants :
- LE DERNIER COUP DE DÉS DE HITLER de Jacques NOBECOURT, aux Editions Robert Laffont, Paris, 196
- BRADLEY, A SOLDIER’S STORY de OMAR.N.BRADLEY aux Editions Henry Holt and Company, New York, 1951.