L’opération Marathon.
Début janvier 1944, suite aux arrestations de plusieurs chefs, le réseau Comète est désorganisé. Les derniers agents renouent des contacts et forgent une nouvelle chaîne.
Bientôt, la Ligne recommencera à fonctionner comme avant.
À partir de juin 1944, lorsque les bombardements intensifs alliés des voies ferrées rendront dangereuse la traversée de la France, d’autres moyens seront trouvés pour venir en aide aux aviateurs en détresse. C’est alors que commence l’opération Marathon.
Celle-ci va progressivement se substituer à Comète. Le but final est toujours le même : soustraire les aviateurs des mains de l’ennemi pour qu’ils puissent continuer la lutte.
Après l’arrestation de Franco, alias Jean-François Nothomb, chef du réseau Comète, en janvier 1944, la Gestapo remontera les filières jusqu’à Bruxelles. En une semaine, après de nombreuses rafles, les principaux chefs sont arrêtés ainsi que de nombreux guides. Pas de doute, il y a bien un traître infiltré dans le réseau. Au lendemain de ces arrestations, la ligne est coupée et ne fonctionne plus.
Seul le secteur sud reste intact et assure encore la liaison avec les Britanniques de San Sébastian en Espagne.
Mais il ignore encore les arrestations de Paris et Bruxelles. Les survivants décideront pourtant de reconstruire la ligne et de trouver de nouveaux hébergements à Paris.
Mais d’autres problèmes vont se présenter, notamment le manque d’argent nécessaire au paiement des frais de voyage, et le manque de moyens de transport.
En février 1944, Londres demande de stopper les passages d’aviateurs par les Pyrénées.
Et Londres a ses raisons, les préparatifs du débarquement supposant une destruction systématique des gares et des voies ferrées sur le territoire français, ce qui met en danger les guides et les aviateurs qui tentent de rejoindre l’Espagne.
Mais cela, Londres ne peut l’expliquer aux membres de Comète sans risquer de trahir le secret du débarquement.
Pourtant, la ligne va continuer tant bien que mal à fonctionner, des lignes en automobiles ou en camions seront même utilisées, mais toujours sans grand succès.
Dès le mois d’avril, à l’initiative d’Yvon Michiels, alias Jean Serment, lors d’une réunion à Paris, le chef propose la création de camps échelonnés de la Belgique jusqu’en Bretagne, de façon à ce que les aviateurs puissent se rendre de camps en camps, dans une relative sécurité, où ils seront logés, nourris et encadrés. Du dernier camp envisagé près de Nesles-la-Vallée, ils pourront être transférés vers des lieux sûrs, par la ligne, et à définir ultérieurement.
En réalité, Londres avait déjà dans ses cartons le plan Marathon dès 1943, mais le retard du déclenchement d’Overlord ne permit pas à cette opération de voir le jour plus tôt.
Le projet initial prévoyait l’établissement des camps de la Hollande vers la France en passant par la Belgique.
Furent retenues, pour la France, la région de Rennes et Châteaudun, et, pour la Belgique, les Ardennes.
Les aviateurs ne pouvant transiter par Bruxelles et Paris seraient évacués dans les camps et ravitaillés par parachutages de vivres. C’est ainsi que des agents furent entraînés en Angleterre avec mission de venir en aide aux aviateurs dans les pays occupés.
Les uns vont établir une évasion par air, et d’autres par mer, en Bretagne, dans le courant de l’année 1943. Les services britanniques ne semblaient pas satisfaits du résultat et décidèrent d’utiliser uniquement les camps dès le moment venu.
LA MISSION MARATHON EN BELGIQUE
Le 15 avril 1944, Yvon Michiels, alias Jean Serment, avait reçu les premières informations concernant la mission Marathon. Il s’associa dès lors à la création des camps dans les Ardennes.
D’après les dernières instructions de Londres, ces camps s’échelonnaient des Ardennes vers la Bretagne, ce qui permettait aux aviateurs de transiter de camps en camps et de gagner le front ouvert le 6 juin 1944 en Normandie.
Si Jean Serment devait construire les camps des Ardennes, Albert Ancia, alias Daniel Mouton, avait la responsabilité des camps dans le nord de la France, et le baron Jean de Blommaert de Soy, alias John Rutland, supervisera et dirigera toute l’opération. Ceci était bien sûr théorique.
Pratiquement, Daniel Mouton ne réussira pas très bien dans le nord de la France, ce qui rendra le travail de Rutland difficile.
Si bien que les camps des Ardennes belges furent dans l’impossibilité d’évacuer, comme il avait été prévu, les aviateurs vers les camps français de Freteval et Bonneval, près de Vendôme.
Avant d’entrer dans le détail de l’élaboration et du fonctionnement des camps, voici la structure de l’organisation.
Les services d’hébergement ont pour mission de recueillir les aviateurs qui leur sont fournis par les personnes qui les ont récupérés directement après leur chute.
Pour entrer en contact avec les responsables du réseau, les personnes accueillant les aviateurs ont des « boites aux lettres » qui les mettent en communication avec les chefs de secteurs. Ces chefs de secteurs ont un « bureau », avec un trésorier et des auxiliaires.
Avec l’aide de ceux-ci, les départs sont organisés sous la responsabilité des guides qui les conduisent vers les camps après que leur authenticité aura été vérifiée. Cette structure est la même que celle de « Comète », sauf la destination qui dans ce cas est la Normandie, où se situent les armées alliées.
Les responsabilités :
Les personnes qui s’occupent de l’hébergement doivent recueillir les pilotes et pourvoir à tous leurs besoins, signaler leur présence au chef de secteur par l’intermédiaire des « Boîtes aux lettres »
Le bureau était l’endroit où se faisait tout le travail administratif.
Dépôt d’archives et de matériel qui était destiné à la fabrication des faux papiers notamment.
Les auxiliaires étaient indispensables pour les contacts et renseignements.
Les guides prenaient les aviateurs en charge pour les conduire dans les camps.
La ligne vers les camps des Ardennes était opérationnelle, et le 19 juin, un premier groupe de trois aviateurs partit vers Namur.
Namur sera le point central vers lequel tous les aviateurs seront dirigés. Le principal moyen de transport est le vélo, car les voyages par chemin de fer sont devenus de plus en plus précaires suite aux irrégularités du trafic et aux contrôles de plus en plus sévères exercés par les Allemands.
La « Ligne cycliste » créée par Henri Nys était constituée de deux tronçons et de quatre relais.
(Wavre, NiI-SaintVincent, Balâtre, Spy).
La ligne empruntait le trajet suivant:
le rendez-vous était avenue de Tervuren à Bruxelles, direction Wavre, Corroy-le-Grand, NiI-Saint-Vincent. Là, les guides de Bruxelles étaient remplacés, et avec les autres guides, les pilotes reprenaient la direction de Blamont, Fories, Tongrinnes, Balâtre, Onoz, Spy et Namur.
À Spy, l’équipe namuroise effectuait le relais et, après une nuit à Spy ou à Namur, ils conduisaient les aviateurs vers Yvoir (traversée de la Meuse), Dinant, Beffe ensuite, pour certains, Paliseul, et ainsi jusqu’aux camps assignés aux équipes.
À partir de fin juin 1944, les transports d’hommes vont se succéder d’une façon ininterrompue.
Le gros problème sera le retour des bicyclettes, des Ardennes vers Bruxelles.
La mission « Marathon » demandait d’établir dans les forêts ardennaises une ligne de petits camps, distants l’un de l’autre de 20 km, chaque camp pouvant abriter une vingtaine d’aviateurs.
Ceux-ci, par marche nocturne, seraient acheminés d’un gîte à l’autre jusqu’à la frontière française.
La liaison serait établie avec les membres français du réseau « Comète ».
Les aviateurs passeraient alors dans les camps français et rejoindraient ainsi les armées alliées suivant l’évolution du front.
En réalité, six camps furent construits en Belgique entre juin et septembre 1944.
À la suite d’erreurs et de manque d’instructions, la liaison avec les camps français ne se fit pas.
De plus, le confort était loin de correspondre à celui que ces équipages connaissaient, en Angleterre, en rentrant habituellement de mission.
Pendant ces deux mois, une bonne centaine d’aviateurs attendront tant bien que mal la libération du pays par les troupes alliées en septembre 1944.
Chaque camp devait répondre à certains critères:
- se trouver dans une région isolée, très boisée, pour assurer la sécurité nécessaire.
- avoir des lignes de ravitaillement aisées.
- avoir, à proximité, une plaine pour d’éventuels parachutages de matériel.
- et surtout, être équipé d’un point d’eau dans un périmètre proche.
Les premiers camps qui fonctionnèrent furent ceux de Beffe, Acremont et Porcheresse; ensuite ceux de Bohan et de Bellevaux.
Le camp de Beffe sera abandonné, et les aviateurs seront transférés vers les autres gîtes.
Il sera remplacé par le camp de Villance.
Le camp de Villance était devenu le passage obligé de tous les aviateurs; ils y recevaient de la nourriture, des soins, et leurs vêtements étaient éventuellement changés.
De là, ils étaient répartis dans les autres gîtes. C’est à Villance que tout le ravitaillement arrivait et était distribué dans les autres endroits, ce qui soulageait la Maison blanche de Paliseul, où l’activité rendait toute mesure de sécurité aléatoire.
Les aviateurs venant du secteur de Liège et de Bruxelles étaient acheminés vers le gîte de Beffe ou à la Maison blanche de Paliseul.
Ils étaient alors conduits au camp d’Acremont ou au camp de Porcheresse, et de la transférés vers Bohan et Bellevaux.
Quand Beffe ne fonctionna plus, le camp de Villance prit le relais pour tous les aviateurs.
À la Libération, plus d’une centaine d’aviateurs furent récupérés par l’armée américaine. Ils furent envoyés à Paris pour un interrogatoire, et de là ils rejoignirent, en Angleterre, leur unité respective.
Quelques-uns reprendront la lutte et d’autres rentreront aux Etats-Unis.
La Résistance Belge avait fait montre – une fois de plus – de son organisation et de son savoir-faire.