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La situation sur les fronts centre et sud de l’Ardenne

présentée par la « 87th infantry division »

D’après un texte envoyé par James INMAN,
(345th Infantry Regiment / 87th Infantry Division)
de Reno, Nevada,  en 1997
Traduction / Adaptation: Roger MARQUET

James INMAN

La 87th Infantry Division arrive en Ecosse le 22 octobre 1944 et s’entraîne en Angleterre du 23 octobre au 30 novembre. Elle débarque en France, du 1er au 3 décembre et est positionnée à Metz où, le 8 décembre, elle entre en action et prend le Fort Driant. La Division s’est ensuite déplacée vers les environs de Gross Rederching près de la frontière sarro-allemande le 10 décembre et a capturé Rimling, Obergailbach et Guiderkirch.

La 87ème  est en pleine installation en Allemagne lorsque, le 16 décembre 1944, la Bataille des Ardennes est déclenchée. La Division est alors placée dans la réserve du SHAEF ( Supreme Headquarters Allied Expeditionary Forces – Quartier général suprême des forces expéditionnaires alliées) du 24 au 28 décembre, puis jetée dans la bataille, en Belgique, le 29 décembre 1944.

COMPOSITION:

346th Infantry Regiment
347th Infantry Regiment
87th Reconnaissance Troop (Mechanized)
312th Engineer Combat Battalion
312th Medical Battalion

87th Division Artillery
334th Field Artillery Battalion (105mm Howitzer)
336th Field Artillery Battalion (105mm Howitzer)
912th Field Artillery Battalion (105mm Howitzer)
335th Field Artillery Battalion (155mm Howitzer)

Special Troops
787th Ordnance Light Maintenance Company
87th Quartermaster Company
87th Signal Company
Military Police Platoon
Headquarters Company

Écusson de la 87ème- Golden Acorn (Gland d’Or sur fond vert)

L’ENTREE AU COMBAT EN ARDENNE  DE LA 87th INFANTRY DIVISION  ET SES OPPOSANTS ALLEMANDS.

Beaucoup d’années se sont écoulées depuis la Bataille des Ardennes, lorsque notre 87ème  Division d’Infanterie a affronté une force ennemie inconnue bien retranchée à 12 km au sud-ouest de Bastogne.

Des hommes fatigués et glacés jusqu’aux os ont débarqué des camions après une épreuve de vingt heures de trajet, tombant par terre, casque et visage en avant ; leurs jambes défaillantes envoyaient des espèces de décharges électriques pour effacer l’engourdissement causé par l’immobilité et le froid. Les tentatives des sous-officiers pour former des rangs de compagnie ont exigé beaucoup de patience et d’aide personnelle auprès des soldats pour y arriver. Malgré cela, les hommes étaient loin de la condition nécessaire, mentale ou physique, pour se lancer dans une attaque ce matin du 30 décembre 1944.

Le premier bataillon du 345ème  avec une compagnie  en avant-garde, mènerait l’effort exigé par le Général George Patton qui ne tenait aucun compte des objections du Général Frank Cullin de la 87ème et de son patron, le Commandant du VIII Corps, le Général Troy Middleton. Ils avaient demandé que l’attaque soit retardée de 24 heures pour avoir le temps de recueillir des renseignements sur l’ennemi, de se reposer et de préparer les hommes.

Le mieux que l’on put oser faire, face à l’insistance de Patton, était d’envoyer la  patrouille de renseignement et de reconnaissance du 345ème sur la route d’approche, avec pour consigne  de revenir avant le jour. Ce court coup de sonde n’a révélé aucun ennemi, mais a dû faire demi-tour avant d’atteindre Moircy car l’aube pointait déjà. Ils ont ramassé quelques «égarés» – des GI perdus, des restes d’unités américaines dépassées. Ils n’ont rencontré aucun ennemi.

Le bataillon avait déjà subi des pertes considérables avant Noël dans la Sarre, une compagnie, surtout, avait été durement touchée. Le deuxième bataillon et d’autres éléments du 346ème  et du 347ème avaient également été secoués, certains hommes furent capturés lors de leur première bataille. Le réveillon de Noël (avec la dinde), les remplacements, les douches et les vêtements propres pendant le bref ‘repos et rétablissement’ à Reims avaient restauré les forces dans les jeunes organismes pour la prochaine attaque, encore inconnue – ou alors c’est ce que Patton a dû penser en ordonnant une action sur un terrain complètement inconnu, sans reconnaissance préalable.

Le premier bataillon s’est dirigé vers le nord le long de la route N25 à travers les hameaux de Freux-Menil, Moircy et Jenneville jusqu’à l’objectif de Pironpré, le «Carrefour sanglant». L’intersection de Pironpré de la N25 avec la N46, la route principale est-ouest entre Bastogne et St-Hubert, a apporté l’essentiel des approvisionnements pour les Allemands jusqu’à leur plus profonde pénétration en Ardenne. Le plan de Patton de couper cette route d’approvisionnement et de piéger les Allemands à l’ouest de Pironpré a été contré par la stratégie allemande (et l’ordre d’Hitler) de maintenir l’itinéraire ouvert à tout prix.

Le Kampfgruppe Neumann était responsable de cette mission allemande. Le Hauptmann (Capitaine) Ulrich Neumann a commandé le 1er  Bn du 130.Panzer Regiment / 902.Division Panzer Lehr. Son bataillon de chars Panther a été renforcé avec une escouade de chars du 2ème  Bataillon et l’infanterie qui l’accompagne, de concert avec les chars des unités de Panzergrenadiere.

Neumann était un monarchiste et opposé à Hitler ; il venait de Königsberg (plus tard Kalingrad) en Prusse orientale. C’était un avocat pratiquant quand la guerre a commencé et il fut enrôlé dans la réserve. Il était à Rome quand Hitler a attaqué la Pologne et a espéré que ce serait fini quand il se retrouverait en Allemagne. Il est finalement revenu à temps pour l’été 1940 lors de l’attaque contre le Luxembourg, la Belgique, les Pays-Bas et la France, s’arrêtant avec ses hommes à Verdun. Ensuite, il a été affecté au Front de l’Est où il a subi une blessure à l’épaule près de Kiev. Il était de retour dans l’ouest pour rencontrer l’invasion de la Normandie et, lors d’une entrevue, après la guerre, avec un étudiant en droit du Texas, stagiaire au cabinet d’avocats Neumann à Duisbourg, il déclara: «Si nous n’avions pas épuisé notre carburant et nos munitions, nous aurions repoussé les Alliés de l’autre côté de la Manche. » (NDT : Neumann me semble bien présomptueux. Avec des ‘’si’’, on refait le monde).

BATAILLE DES ARDENNES – SITUATION GENERALE DANS LE SECTEUR CENTRE (vue tant du côté américain que du côté allemand).

Afin de pouvoir engager plus d’unités de la 11th Armored Division, on a dû opérer un regroupement. Par conséquent, le VIII Corps US a déplacé la ligne de démarcation entre les 11th Armored et 87th Infantry  Divisions. Remagne a été repris dans le secteur dévolu à la 87th Division. Les éléments de la 11th Armored Division s’en sont retirés pendant la nuit du 28 au 29 décembre 1944.
L’historien Peter Elstob décrit les combats du 29 décembre 1944, autour de Moircy de la façon suivante :
« Afin de soutenir l’attaque de la 87th Infantry Division, le VIII Corps masse toutes ses batteries d’artillerie  disponibles contre la Panzer Lehr Division, mais ces troupes d’élite – l’une des meilleures unités allemandes en Ardenne – ont tenu leurs positions, même si elles n’avaient que quelques panzer à leur disposition. Le 345th Infantry Regiment a perdu tant de morts et de blessés qu’il a dû être retiré.’’
Robert C. Reed, un vétéran américain, se souvient encore du contrôle allemand du secteur par le feu, particulièrement efficace :
« J’étais soldat de première classe dans un peloton antichar à la Compagnie Etat-major, 3ème  Bataillon, 345ème Régiment ».

Notre équipe venait de quitter le village de Bras-Haut pour installer son canon de 57 mm à l’orée des bois surplombant Vesqueville. C’était le 4 janvier 1945. On nous a donné l’ordre de tirer sur le clocher de l’église que l’on croyait être un poste d’observation. Le feu d’artillerie était dirigé vers l’une des compagnies ennemies de fusiliers, empêchant ainsi son avance. Nous avons tiré dix salves. Nous avions peut-être atteint notre cible, ou peut-être pas, mais en tout cas, nous avions révélé notre position. Par conséquent, nous avons été bombardés et deux hommes sont morts. Un troisième homme a été blessé et il s’est souvenu encore récemment que c’était un obus de mortier de 50 mm qui avait causé tous ces dommages.»
Du côté allemand, la défense du secteur a également coûté cher au Kampfgruppe Neumann. Le 31 décembre, il reçoit l’autorisation d’évacuer Moircy, mais il se reforme rapidement sur la route St-Hubert-Morhet.

À l’ouest, les Américains repoussent le front jusqu’à la ligne générale Charneux-Hargimont-Wavreille-Bure-Mirwart. Rochefort a été repris pratiquement sans combat, abandonné par les Allemands. Ceux-ci sont en mauvaise posture. Même l’offensive majeure du XXXIX Panzer Korps sur le corridor de percée vers Bastogne échoue. Hitler semble réaliser qu’aucune attaque sur Bastogne, n’a la moindre chance d’obtenir de succès, même partiel.

Le 31 décembre, Remagne est tombé. Les Allemands n’avaient pas de forces disponibles pour une contre-attaque. Le 345th Infantry Regiment a été relevé par son régiment frère, le 347th.

Tout le secteur de la 87ème était soumis au contrôle par le feu de l’artillerie allemande du 130ème Régiment, en ce compris deux bataillons du Volksartilleriekorps avec notamment une batterie d’obusiers de 21 cm et la participation du 311.Flak Abteilung. (artillerie anti-aérienne).

Au cours des deux semaines suivantes, l’ennemi s’est contenté de mener une reconnaissance locale dans le secteur du bataillon de reconnaissance de la Panzer Lehr Division. Ici, la 6ème  Division Aéroportée britannique est entrée en action, renforcée par la 39ème  Brigade Blindée. Peter Elstob a décrit l’atmosphère des combats avec l’anecdote suivante :
« Une fois, une ambulance britannique s’est dirigée vers l’avant pour relever les nombreux blessés qui gisaient dans la neige et un panzer allemand de la Panzer Lehr Division s’est approché.  » Cette fois, vous pouvez emmener vos blessés avec vous, Tommy  », a dit le commandant du panzer au chauffeur de l’ambulance, en anglais,  » mais ne revenez pas, ce n’est pas sûr ici !  »

Le secteur allemand du Kampfgruppe von Poschinger fut sans cesse attaqué par l’ennemi après le 28 décembre. Malgré cela, les positions faiblement défendues ont été maintenues jusqu’à la retraite prévue le 11 janvier. Toutes les attaques ennemies ont été repoussées et un grand nombre de chars ennemis ont été détruits. Toutes les tentatives ennemies de déborder les forêts de chaque côté de Hatrival et à l’ouest de Vesqueville en direction de St-Hubert, ont échoué.

La mission principale du Kampfgruppe Neumann était d’empêcher une tentative ennemie de couper la route St-Hubert-Morhet. C’était l’objectif de sa défense. Le 28ème  Escadron US de Cavalerie avait déjà repoussé les avant-postes de Freux et Rondu vers Moircy et Remagne, le 28 décembre.

Le 30 décembre, de nouvelles forces Allemandes apparurent sur le théâtre des opérations. Le VIII. Corps US avec le Groupe de Combat A  (Combat Command A – CC A) de la 11ème  Division Blindée et la 87ème  Division d’Infanterie. Ces unités se sont assemblées via Rondu devant Remagne pour l’une et via Freux devant Moircy, pour l’autre. Le Kampfgruppe Neumann leur avait préparé un accueil chaleureux, comme l’a décrit Hugh M.Cole dans l’Histoire de l’Armée des Etats-Unis : « Le 63ème  Bataillon d’Infanterie Blindée (63rd Armored Infantry Battalion) qui menait la marche en tant que Task Force White, venait juste d’arriver sur la crête au-delà de Rondu, quand, comme les vétérans américains se le rappellent très bien: » l’enfer se déchaîna « . Les chars à la pointe de la colonne furent frappés en une ou deux salves. L’infanterie blindée subit une centaine de victimes (tués et blessés) en trente minutes alors que les G.I. creusaient à toute vitesse dans le sol gelé pour tenter de trouver un abri …

Le 345th Inf.Rgt/87th Inf.Div. pénètre dans Moircy, le 30 décembre 1944 – Photo USSC

C’était en milieu d’après-midi, des canons allemands balayaient la crête avec des obus à haute vélocité et il n’y avait pas de place pour manœuvrer: l’Ourthe coulait à l’ouest et le Bois des Haies de Magery s’étendait à l’est, séparant le CC A / 11th Armd. de son CC B.

Le matin du Nouvel An a d’abord apporté de la neige mélangée à la pluie, puis de la neige, et enfin un froid aigü et sec. Malgré cela, le 345ème US Inf. Rgt reprit son attaque avec l’objectif de couper la route Morhet-St-Hubert et de capturer Amberloup. Les Américains se sont battus pour avancer à travers de profondes congères de neige. Des éléments de reconnaissance se sont infiltrés au nord de Remagne, de l’autre côté de la route, dans la forêt dense, suivis par un bataillon avec des chars de soutien. Pendant la journée, le  Kampgruppe Neumann ne pouvait que les harceler avec de l’infanterie et des tirs d’artillerie dirigés par des observateurs avancés. Le soir, après la disparition des chasseurs-bombardiers, les quelques panzer attaquèrent et repoussèrent les Américains à Remagne. Pendant ce temps, un autre bataillon (3rd Bn / 347th Inf.Regiment) attaqua Moircy au nord. A midi, Jenneville est capturé, et le 347th reprend Bonnerue. Cependant, à long terme, on ne pouvait empêcher l’ennemi de s’infiltrer dans la forêt. Le lendemain, les gars du génie ont dû être engagés comme infanterie, à l’encontre des ordres permanents. Des combats forestiers intenses et féroces ont commencé contre un ennemi numériquement supérieur et bien équipé. Au cours des combats, l’avance américaine a été stoppée le long de la ligne générale à un kilomètre au nord de la route St-Hubert – Bastogne jusqu’à la retraite générale allemande qui a débuté le 11 janvier.

Bien que l’artillerie allemande ait souffert d’une pénurie de munitions en raison des difficultés de transport extraordinaires, elle a réussi à développer une défense efficace. Dans la recherche de munitions, un stock de munitions américaines de 105 mm a été découvert dans la forêt. Une partie était détruite par l’humidité mais beaucoup d’obus étaient encore utilisables. L’Oberst Bartenwerfer a rapporté:  » Ainsi, aussi longtemps que ces obus qui avaient été capturés par nos divisions ont duré, nous avons pu les renvoyer aux Américains avec nos canons. Le feu observé a bien fonctionné. Après deux ou trois jours, les Américains nous ont envoyé un appel par radio et nous ont demandé si nous tirions des obus à gaz, car cela leur semblait être le cas. Nous avons répondu par la négative avec la conscience tranquille’’.

Le 3 janvier, le thermomètre a dégringolé pendant une tempête de neige. Les routes étaient obscurcies, les avions étaient chassés du ciel et l’observation d’artillerie était impossible. Ce jour-là, les Alliés attaquèrent du nord et du nord-ouest avec la 1ère  Armée américaine, du sud avec la 3ème Armée américaine, afin de couper les Allemands du saillant sur une ligne Houffalize – Bastogne. L’attaque majeure prévue dans la région de la Panzer Lehr n’a pas eu lieu, à cause du temps exécrable. Pour le moment, la lutte contre le froid, la glace et la neige était plus sérieuse et plus urgente.
La forte pression américaine tout le long de ce saillant, d’abord près de Rochefort qui a été évacué par les Allemands le 30 décembre, et le retrait de la 6.Armee Panzer au bénéfice du front hongrois, à l’Est, ont contraint Hitler à céder à l’insistance de ses généraux et à approuver le retrait du front ardennais. L’attaque américaine visait à un encerclement et une destruction des forces allemandes prises au piège dans le saillant, si des contre-mesures n’étaient pas prises immédiatement. D’abord, le temps a causé un retard. Le 4 et le 7 janvier, les tempêtes de neige ont fait rage. Les chars américains, en dérapant et en glissant hors des routes verglacées, ont bloqué l’infanterie pendant des heures. L’artillerie américaine était gênée par la mauvaise visibilité et par les forêts environnantes.

Initialement, la Panzer Lehr avait encore l’extrémité ouest du saillant frontal à tenir. Ce n’est que le 8 janvier qu’Hitler approuva le retrait sur la ligne Dochamps – Longchamps. L’opération  » Veilchen  » (violette) devait commencer par le mouvement de ses voisins, les 9. et 2. Panzer, et pendant la nuit suivante, St-Hubert devait être évacué. Pour des raisons inconnues, peut-être en raison du manque de carburant et des embouteillages sur la seule voie de retraite, l’évacuation de St-Hubert a été reportée de 24 heures.

St-Hubert a été évacué dans la nuit du 11 au 12 janvier. Peu de temps après, des éléments de reconnaissance de la 6th British Airborne Division et de la 87th  se sont connectés. Elstob a écrit: «Depuis la séparation causée par l’offensive allemande, c’était le premier contact entre les 21ème et 12ème Groupes d’Armées alliés. Un élément de reconnaissance du 2ème Régiment de Parachutistes français a également participé à la réoccupation de St-Hubert.

LA DEFENSE SUR LE FLANC SUD-OUEST DU SAILLANT FRONTAL ALLEMAND.

Le régiment frère de la 87ème, le 346th, avait été terriblement ensanglanté deux jours auparavant. Des avancées ont été faites vers le carrefour de Pironpré. Il était défendu par six Panther et seulement 30 hommes, la plupart provenant des équipages des Panzer détruits. Les Panzer se tenaient dans des positions soigneusement préparées avec un large champ de tir, invisibles depuis la route, parce qu’elles étaient cachées derrière les piles de bois d’une scierie.

Trafic difficile dans l’Ardenne enneigée – Photo USSC

Alors que l’ennemi quittait Jenneville, le feu défensif allemand augmentait et les Panthers de Pironpré se joignaient aux combats. L’attaque américaine s’est arrêtée.
Le 2 janvier, les Américains de la 87ème  se préparent à attaquer avec deux bataillons de l’autre côté de la route vers le nord. Ils taillent des croupières dans le nid de frelon de Pironpré, qui a pourtant tenu jusqu’au 11 janvier, malgré de nombreuses attaques presque quotidiennes. Les Américains avancent à travers la forêt à droite et à gauche. Le Kampfgruppe Neumann n’a pu empêcher la perte de Gérimont. Bonnerue est tombé sur l’autre flanc, même si quatre Sherman ont été détruits par les Panzer de Pironpré. Pour le moment, la 87ème Division pourrait signaler que la route St-Hubert-Morhet est coupée. Mais ce succès n’a été que temporaire. Le lendemain, Bonnerue était de nouveau aux mains des Allemands. La localité, très disputée, a changé d’occupants à plusieurs reprises les 8 et 9 janvier, du côté allemand, ce sont surtout les Panzergrenadier du 901.Rgt qui ont contre-attaqué après avoir été relevés de la zone de Bastogne, le 9 janvier. Le régiment d’artillerie, en préparant le terrain pendant les tirs de nuit, a pu fournir un appui essentiel à la reconquête de Bonnerue. Le tir de barrage massif a aidé les Allemands à capturer 80 prisonniers en ne concédant la perte que de seulement quelques soldats.

Dans la soirée du 2 janvier, un large fossé menaçant s’est creusé entre les deux groupes d’attaque américains. Un troisième bataillon dut évacuer Pironpré et la forêt environnante. Ceci a créé une menace d’une autre nature contre les Allemands. Contre cette menace à la pierre angulaire de la défense, le Generalleutnant Bayerlein a envoyé le Kampfgruppe von Poschinger pour, en quelque sorte, ‘’boucher le trou’’. Cette contre-attaque a apporté l’espace de respiration désiré et a permis aux forces allemandes de tenir quelques jours de plus, donnant ainsi plus de temps à la retraite générale pour s’organiser.

Les Américains n’ont poursuivi que prudemment la retraite allemand. Comme auparavant, ils durent se passer de leurs forces aériennes. Les obstacles et les mines posés par les pionniers allemands ne pouvaient pas être rapidement éliminés à cause du froid et des routes verglacées, d’autant plus que l’artillerie adverse harcelait les déplacements partout où ils pouvaient être observés. Ainsi, la Panzer Lehr Division réussit à repousser toutes les avancées alliées, même lorsque les Anglais contournèrent le point fort de l’intersection appelée Barrière de Champlon et pénétrèrent dans le village (de Champlon) situé derrière. Le plus incommodant pour les Allemands fut le feu incessant des Américains contre les villages, les carrefours et les points de passage obligés.

Au cours de la nuit précédant le 13 janvier, la retraite allemande s’est poursuivie comme prévu. Après que la 2.Panzer et la 9.Panzer aient été retirées, la Panzer Lehr a formé le flanc droit du XLVII Panzer Korps. Son voisin, la 116.Panzer Division, épuisée, était au nord de l’Ourthe et avait subi de lourdes pertes lors de combats difficiles mais couronnés de succès contre le III US Army Corps au nord et contre le XXX British Corps au sud de l’Ourthe. Pendant la journée, la Panzer Lehr a pu résister à toutes les attaques de la 51ème Division Highland britannique, même si les Ecossais ont pris Lavaux. Après s’être encore retiré, la Panzer Lehr reçoit l’ordre, le 13 janvier au soir, d’envoyer un groupement tactique pour sécuriser le flanc au nord de l’Ourthe. Le Kampfgruppe von Poschinger, éprouvé lui-aussi, pénétra dans Nadrin pendant la nuit, sans pouvoir entrer en contact dans l’obscurité avec les unités de la 116.Panzer Division. Le Kampfgruppe Von Hauser se retira sur une ligne Thimont-Cens, au sud de l’Ourthe. Les éléments de reconnaissance de la 87th US Division ont atteint l’Ourthe ce même jour.

À l’aube du 14 janvier, les panzergrenadiers au nord de l’Ourthe ont subi non seulement des attaques frontales du nord par les forces ennemies supérieures en nombre ( 334th  (US) Infantry Regiment / 87th Infantry Division) mais aussi du sud. Nadrin et Filly ont été capturés pendant l’après-midi. Malgré de lourdes pertes, les panzergrenadiers furent encore capables de miner les routes et, au dernier moment, de faire sauter le pont sur l’Ourthe. Cependant, cela a également bloqué la route de retraite pour de nombreux soldats allemands. Seuls quelques-uns ont pu patauger dans la rivière glacée. Les quelques gués ont été bloqués par des épaves de véhicules. De nombreux panzergrenadiers ont été capturés au sud de la rivière. Warempage,  faiblement défendu est tombé.

Pendant ce combat, une file presque ininterrompue de véhicules de tous types, panzer et canons de diverses formations, se frayait un chemin à travers les routes glacées vallonnées vers l’est. Heureusement pour les Allemands, le mauvais temps a maintenu les avions alliés à distance, même si toute la flak disponible était prête à défendre les passages obligés. Les hommes étaient chargés de répandre du sable pour éviter les dérapages et les agents disponibles furent affectés à la direction du trafic. Ils ont – en outre – été chargés de dégager la route lorsque les véhicules glissaient ou tombaient en panne. Il est rare que des Panzer endommagés puissent être remorqués. Fréquemment les chenilles cassaient; alors le panzer était incapable de diriger ou de freiner. Des véhicules de dépannage de 18 tonnes – deux devant et un derrière le panzer endommagé – étaient nécessaires pour une telle opération. En raison de la situation du trafic et du carburant, cette pratique était rarement réussie, mais essayée encore et encore. Les équipes de récupération ont effectué des miracles avec beaucoup d’abnégation.

Du côté américain, la ligne Achouffe-Bonnerue-Mabompré a été atteinte, comme ordonné, le 15 janvier. Dans le nord, la situation s’est aggravée pour les Allemands
Plus la force de combat allemande diminuait au cours de coûteux combats, plus il était difficile pour les éléments restants de maintenir la continuité du front et le contact les uns avec les autres dans un terrain accidenté et avec si peu de visibilité. La pression américaine dans le nord et le sud et les effets de l’artillerie destructrice devinrent plus visibles. Les deux Panzer Division (Panzer Lehr et 116th) ont d’abord subi les effets des nouvelles fusées de proximité électroniques, qui déclenchaient une explosion de l’obus toujours en l’air, avec comme conséquence une pluie d’éclats. La tentative de la 116.Panzer Division d’établir une tête de pont autour de Houffalize, avec d’autres groupements tactiques, y compris le bataillon de reconnaissance blindé de la Panzer Lehr, échoua. Cependant, la chute de la ville fut retardée jusqu’à ce que beaucoup de colonnes de troupes aient pu faire retraite et  jusqu’à ce que le pont d’Houffalize ait sauté.

Dans le sud, il y avait encore des contacts avec la 26. Volksgrnadier Division qui tenait la ligne jusqu’à Noville. Dans la matinée, un groupement tactique de la 11th (US) Armored Division a mené une attaque surprise de chaque côté de la route Bertogne-Houffalize jusqu’à Mabompré. Cette action a placé le 901.Panzergrenadier Rgt qui tenait la rivière glacée dans une situation difficile. Le pont routier a été détruit à temps et les chars américains ont été empêchés de traverser le cours d’eau, mais la pression américaine a forcé les panzergrenadiers à esquiver vers le nord. Dans l’après-midi, les Américains occupèrent la forêt au nord de Mabompré. Pour éviter d’être débordé par ses flancs, le Kampfgruppe Von Hauser a dû se retirer dans les collines au sud de Houffalize. Une contre-attaque par la 26. (GE) VGD a rejeté les Américains de Mabompré, même si les six derniers Jagdpanther du 559.Panzerjäger Bn. durent être sacrifiés.

Le matin du 16 janvier, la 2nd Armored Division (US) occupait Houffalize.
Peu de temps auparavant, des éléments de la 11th Armored Division /  3rd US Army (Patton), avançant du sud, avaient effectué la jonction Nord/Sud, avec la 2nd Armored Division et la 84th Infantry Division  / 1st  US Army (Hodges), venant du nord. Cette jonction eut lieu près d’Achouffe, sur les bords de l’Ourthe (au Moulin de Rensiwez).

Le piège avait été fermé, mais il était vide. Probablement est-ce l’avance trop prudente des Américains et la météo exécrable qui évitèrent aux Allemands la formation d’une poche autour de leurs forces.

16 janvier 1945 – Jonction effective entre un tankiste de la 3ème Armée et un fantassin de la 1ère Armée
– Photo NARA-

La Panzer Lehr avait rempli sa mission lors de l’évacuation du saillant frontal et avait évité l’encerclement et la destruction. Le sacrifice considérable du personnel et de l’équipement avait occasionné des trous irremplaçables dans la structure de l’unité. Et les éléments restants étaient extrêmement épuisés.
Le 16 janvier, la Panzer Lehr occupait une position à l’est de Houffalize. Le but était de préparer une position de ralliement le long d’une ligne Cetturu-Tavigny. La pression américaine a diminué; leurs chars n’ont pas été vus près de Cetturu avant le 18 janvier.

Les avant-postes allemands ont pu rompre le contact et rejoindre la position de ralliement.

Le temps exécrable du 19 janvier a bloqué toutes les opérations de combat à l’exception de l’artillerie. Le retrait allemand jusqu’à la ligne de chemin de fer à l’ouest de la forêt luxembourgeoise n’a donc  pas été gêné par les Américains. Pendant la nuit avant le 20 janvier, les éléments de l’arrière-garde de la Panzer Lehr ont atteint la nouvelle ligne de résistance Biwisch-Asselborn et ont été ralliés par la 15. Panzergrenadier Division, ainsi que par la 26.Volksgrenadier Division.

ARRIÈRE-GARDE ET RETRAITE ALLEMANDE DANS LE SECTEUR SUD (SEPTIÈME ARMÉE ALLEMANDE).

Après que le saillant allemand à l’ouest de Houffalize soit réduit, la 3ème Armée américaine attaqua dans le secteur sud afin de faire s’effondrer la tête de pont allemande à l’ouest de l’Our. Le 18 janvier, deux divisions effectuèrent une traversée surprise de la Sûre, faiblement

La retraite allemande sur le Front Sud

défendue en aval de Diekirch,  et continuèrent leur avance vers le nord. La progression de la 5th US Infantry Division le long de la route des collines posait un problème au LIII Armee Korps allemand menaçant de séparer ses trois divisions l’une de l’autre, dans la région de Wiltz.

En guise de contre-mesure, l’armée allemande a déployé une division de Volksgrenadiers sur la route des collines. Le Feldmarschall Model, commandant de toutes les forces allemandes engagées dans la Bataille des Ardennes est intervenu personnellement. Le 19 janvier, il envoie d’abord un kampfgruppe, – plus tard, toute la Panzer Lehr Division – pour autant que ce qu’il en reste puisse encore être appelé division – et finalement la 2. Panzer Division du  XLVII Panzer Korps, transférée à la 7. Armee,  établir une position de blocage à l’ouest de Vianden, afin de couvrir la retraite du LIII Korps de l’Ardenne à travers l’Our jusqu’au West Wall ou Ligne Siegfried.

La forte tempête de neige du 19 janvier a retardé les mouvements des deux côtés, mais a également empêché toute activité aérienne. Le Kampfgruppe 902, renforcé par une compagnie de Panzer se fraya un chemin à travers la neige jusqu’à Hoscheid, qui constituait le point d’appui du retrait et devait donc rester entre les mains allemandes.

Le matin du 20 janvier, le Kampfgruppe Von Poschinger occupait les positions qui lui avaient été assignées au sud-ouest et au sud de Hoscheid. La division allemande de Volksgrenadiers était tout juste à sa droite. En attendant, le LIII Korps avait commencé son tirage au sort. Les sites de pontage près de Gemünd et Vianden étaient, quant à eux, venus à la portée de l’artillerie ennemie. Le feu américain entravait la retraite des unités allemandes qui affluaient sur les entrées et les sorties du pont qui s’inscrivait dans la vallée profondément découpée de l’Our.

Le 21 janvier, la 5th  Infantry Division (US) a attaqué près d’Hosheid après une forte préparation d’artillerie. Le Kampfgruppe Von Poschinger ne put repousser l’attaque qu’avec de grands efforts. Le jour suivant, le ciel s’éclaircit et apporta des conditions de vol propices au combat, surtout aérien. Des centaines de chasseurs-bombardiers(US), semblables à ceux de Normandie refirent leur apparition. Avec pour effet, que  le Kampfgruppe Von Hauser bien qu’inséré à droite du dispositif allemand, ne put rien faire, en raison de l’activité aérienne et de l’artillerie, et notamment pas empêcher la perte d’Hoscheid, le 25 janvier. Maintenant, ils devaient tenir la tête de pont sur la rive ouest de l’Our jusqu’à ce que toutes les unités aient achevé leur retraite. Graduellement, les kampfgruppen furent repoussés à Wahlhausen par les Américains. Pendant ce temps, les divisions du LIII Korps, qui attaquaient à l’ouest depuis le 23 janvier, fuyaient en traversant la Clerf et l’Our. Le 26 janvier, l’arrière-garde de la Panzer Lehr a également reçu l’autorisation d’évacuer la rive ouest de l’Our. Encore une fois la Panzer Lehr pourrait regarder avec fierté sa contribution dans la prévention de l’encerclement des divisions allemandes à l’ouest de l’Our.

Le résultat de la Bataille des Ardennes a été un grand succès pour les Alliés, même si le général Eisenhower a dû reporter son offensive prévue au Rhin d’environ 6 semaines.
 » Le succès décisif des Alliés réside dans le fait que l’Allemagne n’avait plus de réserves opérationnelles après l’offensive des Ardennes.  » (Long).
Ces réserves opérationnelles manquaient également à l’Est, alors que les Soviétiques commençaient leur offensive. Cela a entraîné la perte de tout le territoire à l’est de l’Oder.

Pour les Alliés, la Bataille des Ardennes fut une importante victoire, même si cela avait retardé de 6 semaines l’attaque sur le Rhin, prévue par Eisenhower. Ces réserves opérationnelles manquaient également à l’est, à mesure que les Soviétiques commençaient leur offensive.
Le joueur Hitler avait perdu son dernier coup de dés !

SOURCES.

  • Texte envoyé à l’auteur par James Inman, G.I. de la 87ème, blessé le 6 janvier 45 devant Moircy.

LECTURES  RECOMMANDÉES.

  • UN FRONT MÉCONNU – 21 DÉCEMBRE 1944 – 14 JANVIER 1945
  • Bataille des Ardennes dans les régions de Libramont, Saint-Hubert, Sainte-Ode.Eric URBAIN-  publié à compte d’auteur en 2002 –Adresse de l’auteur : 12 rue du Patronage  6800 Bras (Libramont).
  • BATAILLE DES ARDENNES –  Peter ELSTOB – Marabout Ed., 1968.
  • LA GRANDE BATAILLE DES ARDENNES EN BELGIQUE ET AU LUXEMBOURG –Hugh M.COLE – Omer Marchal Editeur – Villance en Ardenne, 1994.
  • NOËL  44–LA BATAILLE D’ARDENNE- Charles B. Mac Donald  Ed. Didier Hatier, Bruxelles, 1989.

LA BATAILLE DES ARDENNES – Photo USSC