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Par Patrick J. Kearney – « A » Company / 55th Armored Infantry Battalion / 11th Armored Division

Présentation et traduction : Roger Marquet

Préambule.

Pendant la Bataille pour Bastogne, le petit village de Tillet (actuellement situé dans la Commune de Sainte-Ode) fut libéré essentiellement par la 87th Infantry Division et la 17ème Division Aéroportée. Sur le clocher de l’église se trouve d’ailleurs une plaque commémorative rappelant le sacrifice du Sergent Curtis Shoup qui fut le seul de son unité à mériter la plus haute distinction américaine : la Médaille d’Honneur du Congrès. C’est à titre posthume que le Sergent Shoup fut décoré car il laissa la vie, à Tillet précisément, dans un acte d’un courage inouï pour protéger la retraite de ses camarades.

En mai 2000, une deuxième plaque fut apposée sur le même clocher de la même église de Tillet pour commémorer les combats du 55th Armored Infantry Battalion de la 11th Armored Division à Acul (hameau minuscule de la même commune.) On avait pensé placer cette plaque dans un endroit où certes le dit 55th n’avait pas combattu, mais on trouvait que l’emplacement était mieux choisi qu’à Acul et, puisque cela se trouvait dans la même commune et que cela agréait les autorités communales…. A Dieu va ! L’endroit n’était pas plus mal qu’un autre !  Cela ne semblait pas plaire à tout le monde mais tant pis, et comme on dit chez nous : «l’çi qu’est rogneû, qui’s grète ! »

Jusqu’au jour où Patrick J .Kearney, Vétéran de la 11ème Division Blindée,  fit le récit personnel suivant qui démontre – et les rapports officiels de son unité n’infirment en rien ses dires – que le 55th avait bel et bien été présent à Tillet.

La coïncidence était la bienvenue.

Mais lisons plutôt le récit de Pat… en gardant présente à l’esprit la maxime de l’historien américain Danny Parker : « One witness, no witness », c’est-à-dire : « Un témoin, pas de témoin ! »

R.M.

J’étais membre de la première escouade (2ème équipe de fusiliers) du Premier Peloton de la Compagnie A du 55ème Bataillon d’Infanterie Blindée. Nous étions une des composantes de la 11ème Division Blindée sous les ordres du Général Patton, le chef de la 3ème Armée U.S. (« Patton’s Thunderbolts.)

Je me rappelle que le 31 décembre 1944, vers 10.00 heures, le Lieutenant Eugeen Been, le commandant du Premier Peloton, donna l’ordre au peloton de prendre la route vers le nord-ouest, celle qui quittait Magerotte pour aller vers Tillet et qui traversait le Bois des Haies de Magery. Notre mission était de localiser les positions allemandes qui menaçaient le bataillon sur son flanc gauche. Le reste du bataillon fut dirigé sur Acul et les environs où il se heurta durement aux soldats de la Führer Begleit Brigade, sous les ordres du Colonel Otto Remer.

Je me rappelle que nous avons quitté Magerotte, que nous sommes partis vers le nord-ouest sur la route qui traversait les bois, et que nous avons stoppé notre progression sur la route à un moment donné. Là, le lieutenant Been nous donna l’ordre de patrouiller sur la route pendant les heures qui suivirent. Vers 15.00 heures, le lieutenant Been ordonna de reprendre la progression vers le nord-ouest, et toujours sur la route. Mais, bientôt, nous avons entendu des cliquetis de chars, assez distants cependant. Le lieutenant Been ordonna l’arrêt et il envoya une patrouille de quatre hommes – dont votre serviteur – suivre la route jusqu’à l’orée du bois, avec, pour mission, de localiser la provenance de ces bruits.

Nous étions arrivés à cette position à l’entrée de la forêt depuis à peine 15 minutes que nous avons aperçu des gars d’un peloton de la Compagnie C du 56ème Bataillon de Génie  (NDT : qui faisait aussi partie de la 11ème Blindée) qui nous suivaient sur la route en travaillant à détecter des mines. Quand ils virent que nous étions déjà là, ils firent immédiatement demi-tour en direction de Magerotte. Cinq minutes plus tard, le lieutenant Been nous envoya un messager pour nous dire de revenir vers les positions du reste du peloton. Nous avons obéi et nous avons suivi le messager. Nous avons fait rapport au lieutenant que nous n’avions observé aucun char depuis l’orée du bois. Le lieutenant décida alors que le peloton resterait sur ses positions pour le reste de l’après-midi.

Vers 19.00 heures, le lieutenant donna l’ordre de reprendre notre mission d’éclaireurs, toujours en suivant la route en direction du nord-ouest. C’est alors que nous sommes arrivés à Tillet, que nous avons identifié le plus simplement du monde en lisant la plaque apposée à l’entrée du village. Nous avons pénétré dans le village, nous l’avons traversé et nous nous sommes dirigés vers ses abords nord. Lorsque nous sommes arrivés dans les collines, nous nous sommes heurtés à des éléments de la Führer Begleit Brigade. Nous les avons attaqués vers 20.00 heures ou 21.00 heures ; ils ont répliqué en lançant des fusées éclairantes. Ils se sont finalement retirés dans les bois à l’ouest de Tillet qu’on appelle, je crois, le Bois des Haies de Tillet. Quant à nous, nous nous sommes enterrés pour la nuit, entre leurs positions et le village.

Aux alentours de minuit, un petit avion allemand largua des paquets de journaux de propagande sur nos positions. Les Autorités allemandes avaient probablement pensé que cet endroit était toujours entre leurs mains et que ces journaux seraient de nature à remonter le moral des troupes. Un des soldats de mon peloton – Carmine DiGiambattista, de l’escouade de l’Etat-major (1er groupe de fusiliers) – parlait couramment allemand. Il nous traduisit le contenu des journaux. En fait, le texte tendait à presser les soldats allemands à remporter la victoire pendant la nouvelle année.

Le jour suivant – 1er janvier 1945 – nous sommes restés sur nos positions défensives aux abords ouest de Tillet et les Allemands sont restés terrés dans les bois à l’ouest du village. A une centaine de mètres sur la gauche de nos foxholes, il y avait une espèce d’étable qui nous tracassait beaucoup. Nous craignions en effet que des snipers allemands, profitant de la nuit, ne s’y soient dissimulés. Nous avons parlé au lieutenant de cette possibilité d’infiltration ennemie et il a appelé, par radio, un tank de la 11ème Blindée à la rescousse. Celui-ci est arrivé près de nos positions, a tiré un coup sur l’étable qui s’est volatilisée et s’en est retourné tranquillement.

Le 2 janvier 1945, nous avons reçu l’ordre de nous déplacer – une escouade à la fois – vers le centre de Tillet pour y recevoir un repas chaud qui nous était amené par les cuisiniers de la Compagnie A du 55ème. Sitôt notre repas pris, nous devions rejoindre nos positions. Je me souviens que, alors que mon escouade progressait vers Tillet vers 10.00 heures, nous avons vu un avion américain qui avait été abattu dans les champs sur notre gauche. Nous avons également longé le cimetière dans lequel certaines pierres tombales portaient la photo du défunt incrustée dans la croix. C’était là une chose que je n’avais jamais vue aux Etats-Unis et cela m’avait beaucoup impressionné.

Nos cuisiniers étaient venus en camions depuis Magerotte et avaient déposé de grands thermos en plein milieu de la rue de Tillet. Les cuisiniers venaient à peine de commencer à nous servir notre petit déjeuner (des œufs brouillés) que les Allemands débutèrent un bombardement d’artillerie sur la route où nous nous trouvions. Les cuisiniers réagirent très vite : ils vidèrent le contenu des thermos dans la neige, jetèrent ceux-ci dans les camions et filèrent à toute allure en direction de Magerotte. Tout en esquivant au mieux les obus ennemis, nous avons ramassé le plus possible de nourriture et nous sommes rentrés à toute vitesse dans nos positions.

Le 3 janvier, notre peloton fut relevé par des éléments de la 17ème Division Aéroportée qui ont traversé nos positions pour se diriger droit sur les Allemands, toujours dans les bois à l’ouest de Tillet. Nous avons alors repris la route vers Magerotte où nous avons retrouvé le reste de la Compagnie A, ainsi que le reste du 55ème Bataillon d’Infanterie Blindée.

Le 29 mai 2000 (Memorial Day), des représentants du Gouvernement belge, du Gouvernement des Etats-Unis, de la Commune de Sainte-Ode, du CRIBA, du Cercle d’Histoire de Sainte-Ode se sont rassemblés à Tillet afin d’y dévoiler une plaque commémorative dédié aux soldats du 55ème Bataillon d’Infanterie Blindée qui sont morts dans les combats de Tillet et d’Acul, le 31 décembre 1944 et dans ceux du Bois de Nom de Falize (à l’est de la route Longchamps-Bertogne), le 14 janvier 1945.
Puisse le souvenir des hommes du 55ème – et surtout celui du travail qu’ils ont accompli en participant à la restauration de la démocratie en Belgique pendant la fameuse Bataille des Ardennes – rester présent à jamais dans les mémoires.

PJK

Copyright © 2000 Patrick J. Kearrney & Roger Marquet. Tous droits réservés.
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Tillet (Sainte-Ode)

Insigne du 55th A.I.B.

Plaque commémorative dédiée au 55th Armored Infantry Battalion

Plaque à la 87th Infantry Division et particulièrement au S/Sgt Curtis F. Shoup

Ces deux plaques se trouvent sur la campanile de l’église de Tillet